“Que d’eau, que d’eau…”
Ces mots, que l’on dit prononcés à Toulouse par le Président Mac Mahon, semblent dérisoires face à l’indicible désastre qui s’est abattu le 23 juin 1875 sur une partie de la Ville rose, emportée par la furie des eaux. La grande crue, inégalée depuis, marque d’une tragédie inouïe toute une génération.
En ce mois de juin 1875, la pluie tombe sans discontinuer depuis plus de trois jours sur les Pyrénées et l'arrière-pays toulousain. Dans la nuit du 23 au 24 juin, les sols déjà gorgés d’eau par la fonte des neiges et plusieurs semaines de pluie n’arrivent plus à absorber les intempéries. Les rives de la Garonne sont submergées. Le quartier Saint-Cyprien est en grande partie détruit. Sur l’autre rive, le bas du quartier Saint-Michel et les Amidonniers sont aussi parmi les plus touchés. À l’échelle de mesure du pont Neuf, le niveau d’eau atteint 8,32 m (alors qu’il est habituellement de 0,80 m).
Des centaines de morts
En quelques heures à peine, la furie des flots entraîne l’effondrement de centaines de maisons – entre 1 100 et 1 400, selon les sources – et fait plus de 200 victimes à Toulouse. On en comptera plusieurs centaines d’autres tout au long de la Garonne et de ses affluents. Au coeur de la Ville rose, seul le pont Neuf a tenu sous les coups de boutoir des flots. Le pont Saint-Michel et le pont Saint-Pierre ne sont plus que ruines, de même que le pont d’Empalot.
Tragédie
Aux côtés de quelques courageux civils, l’armée est mobilisée pour évacuer ceux qui peuvent encore l’être. Les journaux de l’époque retracent avec force détails les actes héroïques, mais aussi les pires tragédies qui se sont déroulés durant ces quelques heures. Ici, une famille emportée par les flots sous les yeux de ses voisins impuissants ; là, un jeune soldat, sauveur avec ses camarades de plusieurs dizaines de jeunes filles bloquées dans le couvent des Feuillants.
Plus jamais ça
Sous le choc, Toulouse panse ses plaies comme après un conflit. Il faudra des semaines pour déblayer les ruines, des décennies pour réparer entièrement les destructions. Symboles de la résilience de la ville, les ponts emportés par la crue seront reconstruits lentement. Le pont Saint-Michel ne renaît qu’en 1890, après un chantier entamé en 1884, avant d’être à nouveau modifié en 1961. Le pont Saint-Pierre, inutilisable jusqu’en 1927, ne prend son allure actuelle qu’en 1987 (lire p.6). Seul rescapé, le pont Neuf est néanmoins renforcé au niveau de ses piles, pour mieux affronter un futur que l’on veut désormais prémunir de tout nouvel aigat de la Sant Joan, ce « déluge de la Saint-Jean » en occitan que plus personne n’oubliera.
Repères de crue
De nombreuses gravures et plaques (anciennes et contemporaines) témoignent de l’ampleur de la crue notamment dans le quartier Saint-Cyprien.
Quel auteur s’est inspiré de la Grande Crue de 1875 pour l’une de ses nouvelles ?
C’est Émile Zola, pour sa nouvelle L’inondation, qui ferme le recueil paru en 1882 sous le titre Le capitaine Burle.
150 ans après...
Après la crue de 1875, Toulouse et l'État ont mis en place différents dispositifs (digues, vannes, portes étanches, nouvelles règles de construction – matériaux utilisés, profondeur des fondations, hauteur des bâtiments, entretien...) pour limiter l’impact des inondations et protéger la population et les infrastructures. Depuis 2021, Toulouse Métropole porte un PAPI (Programme d'Actions de Prévention des Inondations) à l'échelle de la grande agglomération toulousaine. Il prévoit des actions complémentaires pour renforcer la résilience du territoire aux inondations : études, travaux... Des actions de sensibilisation des habitants sont également menées par la Mairie qui teste par ailleurs les dispositions du plan communal de sauvegarde. Plusieurs entraînements avec participation de Toulousains résidents ont notamment été réalisés ces derniers mois, dont le dernier en avril 2025.
Tumultueuse garonne
Retrouvez sur metropole.toulouse.fr/agenda (nouvelle fenêtre) le programme complet des événements organisés pour les 150 ans de la crue historique de 1875, de début juin à fin septembre.
Zone inondée Crue 1875
Digues actuelles
Portes étanches ou anti-crue
Bibliographie et sources : Site web inondations-agglo-toulousaine.fr (nouvelle fenêtre); Journal Le Constitutionnel mardi 6 juillet 1875, Lettre du 25 juin d'un soldat à ses parents, gallica.bnf.fr (nouvelle fenêtre); Les drames de l'inondation à Toulouse, Théophile Astrié, 1875.
Direction : L'agence evelyne ; Texte : Marie Grivot ; Illustrations : Célia Gazal ; Merci à Valentine Gadeau ; Merci à la Direction du Patrimoine.