Alice Rouyer - L’île du Ramier, nouveau poumon vert

Bio express
Enseignant-chercheur, Alice Rouyer est géographe-urbaniste. Après avoir officié à l’Université Jean-Jaurès, elle enseigne aujourd’hui à l’Université de Caen Normandie. Membre du laboratoire CNRS « Espaces et Sociétés » (ESO, UMR 6590), elle collabore à la transformation de l’Île du Ramier et plus précisément au projet Life Green Heart depuis son origine, en 2019.

La métamorphose de l’île du Ramier en poumon vert a inspiré le projet Life Green Heart, initié par Toulouse Métropole et soutenu par l’Europe. Transdisciplinaire, celui-ci apporte de nouvelles connaissances pour un développement urbain durable.

Quels sont les enjeux de la transformation de l’île du Ramier en poumon vert ? 
Il s’agit prioritairement d’adapter un territoire au changement climatique, à travers un retour à la nature. Le Sud-Ouest de la France est notamment vulnérable aux vagues de chaleur et aux sécheresses et le climat urbain aggrave ces conditions. Dans les villes, la nuit, la température peut rester plus élevée que dans les zones rurales car les matériaux comme le bitume emmagasinent une chaleur qu’une trop rare végétation peine à consommer et qui se dégage la nuit. L’une des solutions pour combattre ce phénomène est de faire revenir la nature en ville. À Toulouse, le déménagement du parc des Expositions libère une surface qui permet d’agir à une échelle significative puisque la part d’espaces verts doit augmenter de 15 hectares1 d’ici 2024. Et la nature qui est invitée à revenir sur ce site est une nature quasi spontanée, c’est-à-dire le moins le possible régulée par les humains. L’idée étant de favoriser la réinstallation d’une vie autonome sur des sols qui étaient devenus stériles. Revitaliser les terres pour que la nature y reprenne ses droits !
1 Élargissement de la ripisylve incluse.

Comment l’humain est-il pris en compte dans le projet ? 
C’est l’apport de la géographie sociale et de la sociologie. Notre équipe de géographes et d’urbanistes de l’Université de Caen Normandie conduit une étude au long cours pour évaluer la perception environnementale du site puis l’appropriation des nouveaux aménagements par la population et le bénéfice sur leur qualité de vie et leur santé. Notre enquête a interrogé les premiers concernés par le réaménagement de l’île : les habitants des quartiers riverains et les usagers. Nous voulions cerner leur fréquentation de ce site et leurs pratiques, notamment en matière de déplacements ou d’activités sportives et de plein air. L’étude fait apparaître que beaucoup la fréquentent dans le contexte d’une activité bien délimitée, comme les événements sportifs au Stadium. De nombreux Toulousains ne font que la traverser. Rares sont ceux qui ont l’opportunité de la connaître dans son intégralité. En mesurant là aussi les effets du réaménagement, nous apportons de nouveaux savoir-faire qui pourront être utilisés par d’autres Métropoles françaises et européennes.

Qu’apporte la présence de chercheurs ? 
Le périmètre de Life Green Heart, au nord de l’île, est un parfait site d’étude et il fait l’objet d’un suivi scientifique interdisciplinaire depuis son origine. Aux côtés des services de Toulouse Métropole, des partenaires, parmi lesquels le Muséum d’histoire naturelle de Toulouse, Météo France et le bureau d’études WaltR, facilitent la mise en oeuvre de protocoles innovants. L’intervention sur les sols, pour leur rendre leur richesse biologique une fois la couche de bitume enlevée, mobilise par exemple une équipe de chercheurs en géologie et microbiologie pour tester une technique qui n’a pas encore été utilisée à grande échelle. Ils travaillent sur des parcelles témoins afin d’identifier les meilleures modalités de reconstitution de sols vivants, qui, à terme, seront appliquées à l’île. Cette présence des scientifiques tout au long du déroulement du projet permet aussi d’évaluer les effets de la renaturation au fur et à mesure. Les uns inventorient la faune et la flore pour mesurer le retour de la biodiversité, les autres suivent l’évolution des données météorologiques ou de la qualité de l’air. Les différents participants adaptent leurs actions aux activités des uns et des autres mais aussi aux changements de contexte, comme de nouvelles lois ou de nouvelles questions environnementales et sociétales, par exemple l’économie circulaire avec le recyclage et le réemploi des matériaux du chantier.

Verbatim
« Un laboratoire grandeur nature pour favoriser le retour de la vie sur des sols auparavant stériles »