Dans le premier sarcophage
Ouvert en 1989, on y a retrouvé beaucoup de choses … mais surtout les restes d’un trentenaire de très haut rang du Xe siècle un peu cabossé par la vie.
Les deux autres sarcophages de l’enfeu des comtes à Saint-Sernin sont examinés par les archéologues depuis l’été dernier 1 . Le premier (le plus grand) 2 fut ouvert lui en 1989 parce qu’il commençait à se fissurer. Étant donné qu’il était là depuis au moins 7 siècles, l’espoir était « très faible » d’y découvrir « des vestiges intéressants ». D’où la surprise à l’ouverture « de constater la présence de vestiges archéologiques divers sur lesquels était posé bien en évidence un crâne ». Lors de l’enquête archéologique qui suivit et qui, par bien des côtés, s’apparentait à une enquête de police scientifique, on recensa en plus de ce crâne rien moins que 554 autres objets divers qui, soigneusement examinés, analysés et classés par toutes sortes de spécialistes ont pu faire comprendre un peu de l’histoire insoupçonnée de ce sarcophage et de l’homme auquel appartenait ce crâne. Le sarcophage, sans doute trouvé sur place dans la nécropole des premiers temps du christianisme, était beau mais un peu court pour le « sujet de sexe masculin décédé, probablement, dans sa quatrième décennie des suites d’une tumeur crânienne » que l’on y mit un peu à la va-vite entre la mi-mars et la fin avril d’un printemps de la deuxième moitié du Xe siècle. Les cheveux mi-longs sans aucune trace de poux, les ongles « soigneusement coupés », le sujet était luxueusement vêtu : chausses rouges « depuis les pieds jusqu’en haut des cuisses » et, sur une chemise de fin lin, une très élégante tunique venant probablement de l’Espagne alors majoritairement musulmane. On sait que ce grand gaillard (1 m 90) était sportif mais fragile (allure voutée, lumbagos), peut-être à la suite d’un grave accident d’enfance. On sait aussi qu’il n’était pas le comte Guilhem Taillefer qu’on a longtemps cru l’hôte de ce sarcophage mais peut-être son père le comte Raimon (mort en 978) ou un autre membre important de la famille comtale. On sait, enfin, que le sarcophage fut rouvert plusieurs fois pour y déposer les restes d’au moins 19 autres personnages, dont certains apparentés, et qu’au XIXe siècle, un lérot s’était fait un nid douillet dans le crâne de notre présumé comte.
À lire : Le comte de l’An Mil, Éric Crubézy et Christine Dieulafait (éd.), Aquitania, 1996.
Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
illustrations : Philippe Biard
Merci à la Direction du Patrimoine.
À gauche en haut, non loin de l’abbaye préromane de Saint-Sernin, les funérailles vers 950/970 de l’homme retrouvé dans le sarcophage 3 . Ci-dessus, après l’aménagement de l’enfeu vers le début du XIIIe siècle (époque des colonnettes), la Confrérie des Corps- Saints paye 10 livres pour la peinture du « sépulcre des comtes 4 ». À gauche en bas, devant le mur de fermeture 5 (1648) et son fronton 6 (1774) construits par les Capitouls, les architectes Violletle- Duc et Esquié 7 discutant vers 1860 de ce qu’il faut faire de l’enfeu. Il sera finalement restauré et ouvert 8 entre 1874 et 1878. Le 23 mai 1989, dépose et ouverture du sarcophage 9 .