Hervé Le Treut - Le changement climatique en question
Bio express
Physicien et climatologue, Hervé Le Treut étudie notamment les perturbations du climat, en particulier le rôle de l’effet de serre additionnel lié aux activités humaines. Membre de l’Académie des sciences, il enseigne à Sorbonne Université et à l’École Polytechnique et a participé au 5e rapport du GIEC.
Le parrain de la 2e édition du Festival Toulouse Innovante et Durable aborde les enjeux des changements climatiques. Problématique à la fois globale et locale.
À quelle situation climatique devons-nous nous attendre, demain ?
Si vous me demandez le climat de la métropole toulousaine dans 30 ou 50 ans, c’est quelque chose que je ne pourrai pas vous donner. Les modèles scientifiques sont très performants mais la situation dépend de trop de paramètres pour permettre d’établir des scénarii détaillés. Ne serait-ce que parce qu’il faut prendre en compte ce que vont faire les humains demain, dont on sait que les activités impactent le climat, en particulier par leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Ce dont nous sommes certains, c’est que nous battons des records de température d’année en année et que des évènements extrêmes vont se produire plus fréquemment : vagues de chaleur ou de froid, sécheresses, tempêtes ou autres épisodes de fortes précipitations vont toucher nos territoires. Le climat change, fortement et rapidement. Et nous devons avant tout appréhender la complexité globale de cette dynamique pour nous y adapter au mieux.
Quelles conséquences pour nos territoires ?
Les effets des changements climatiques sont nombreux. Ils impactent notre futur – la moitié du CO2 introduit aujourd’hui dans l’atmosphère sera encore là dans un siècle – mais aussi nos quotidiens. Lors des épisodes de canicule, le phénomène des îlots de chaleur est bien connu des zones urbaines dont les sols imperméabilisés favorisent les hausses de température. Il concerne les métropoles, comme Toulouse, mais aussi les villes plus moyennes et peut avoir de graves conséquences en matière de santé publique jusqu’à favoriser la mortalité. Le changement climatique menace notre santé avec de tels effets directs mais aussi indirectement avec l’apparition de maladies émergentes liées à l’installation de nouvelles espèces comme le moustique tigre. Outre la hausse des températures et la mauvaise qualité de l’air, il faut aussi compter avec le stress hydrique qui impacte notre agriculture et nos forêts. Face au réchauffement planétaire, nos territoires présentent plus ou moins de vulnérabilités selon leurs caractéristiques physiques – leur topographie, la proximité d’un fleuve – mais aussi sociales – leur densité de population, le niveau de revenu, la nature des activités économiques, etc.
Comment agir à notre échelle ?
Les changements climatiques constituent avant tout une problématique globale et la réduction des gaz à effet de serre ne peut se traiter autrement qu’à l’échelle de la planète. Mais, bien que l’action des collectivités territoriales soit encadrée par les politiques des États et les accords internationaux, celles-ci conservent une marge de manoeuvre. Avant tout, il est important que chacun accepte la complexité du changement climatique, un problème à différentes dimensions lié autant à la biodiversité et ses millions d’espèces qu’aux droits de l’Homme. Il faut aussi prendre le danger au sérieux. Si nous ne pouvons prédire le jour et la date d’un évènement, le risque est bien réel et croissant. Pour y faire face, il faut conjuguer atténuation et adaptation. L’atténuation passe par la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, l’adaptation par la prévention des risques naturels, technologiques et sanitaires qui pèsent sur les populations. Et ces politiques requièrent des budgets à la hauteur des enjeux. Il faut aussi impliquer les citoyens, notamment les jeunes, en partageant tant les connaissances scientifiques que les axes de l’action publique. Échanger et débattre peut permettre de trouver des solutions plus consensuelles que punitives.
Verbatim
« Il faut impliquer les citoyens, notamment les jeunes, en partageant tant les connaissances scientifiques que les axes de l’action publique. »