Patrimoine

Construit par un personnage d’exception, le Dubarry, vrai-faux mari de la maîtresse du roi Louis XV, le château de Reynerie est un bijou miraculeusement préservé de l’âge des Lumières.

Ce jeune retraité de 36 ans ne devait plus attendre grand chose de l’existence. En 1768, après une courte carrière militaire, Guillaume Dubarry vit de ses modestes biens dans la campagne à l’ouest de Toulouse quand une lettre de son frère Jean vient tout remettre en jeu. Celui-ci, grand meneur d’affaires, l’appelle à Paris où Guillaume, le 1er septembre, épouse une très jolie femme qu’il n’a encore jamais vue et qu’il ne reverra jamais mais qui, grâce à lui, portera très haut le nom qu’il vient de lui donner. La « demoiselle de Vaubernier » qu’il a épousée ce jour-là est en effet depuis peu la maîtresse du roi Louis XV, son mariage avec notre Guillaume en fait la comtesse Du Barry qui règnera sur le coeur du roi jusqu’à la mort de celui-ci, six ans plus tard, en 1774. Pour prix de ses services, Guillaume recevra d’abord une pension, puis un château près d’Auch qu’il finira par échanger avec celui de Reynerie aux portes de Toulouse, aussitôt rebâti sur le modèle de celui de Bagatelle que vient de faire construire le comte d’Artois à l’ouest de Paris. Il fallait sans doute pas mal de courage et de culot pour défier ainsi une renommée pour le moins désastreuse. Car en devenant le mari de complaisance de la Du Barry, Guillaume est entré dans la légende scandaleuse du XVIIIe siècle, époque où se vendent et se lisent dans toutes les classes de la société des livres anonymes sur les femmes qui ont côtoyé les rois, allègres mélanges de vérités arrangées et d’énormes mensonges. Ainsi des Anecdotes sur Mme Du Barry où Guillaume n’a droit qu’à quelques lignes, mais quelque peu poivrées… Il y est nommé « le gros Dubarry, une espèce de sac à vin, un pourceau, se vautrant le jour et la nuit dans les plus sales débauches ». Loin de ce cliché, cultivé et curieux, Guillaume n’est que le reflet de son temps où tout s’achète et se vend et où le mariage est la grande affaire économique d’une vie. Une affaire plutôt avantageuse pour lui puisqu’en échange d’un nom, il permet à ses frères et soeurs de mener grand train tandis qu’il préfère lui profiter de sa bibliothèque et de ses instruments scientifiques, la fenêtre grande ouverte sur le jardin de Reynerie.

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Portrait de “la” Dubarry, il semble qu’il n’existe pas de portrait de Guillaume.

Une soirée à Reynerie en 1788. Autour du salon 1 dans la rotonde qui domine le parc, les appartements du comte avec la chambre et le cabinet à gauche 2 et le cabinet à écrire et la bibliothèque à droite 3 . Les nombreux livres témoignent d’un grand goût pour l’histoire, la géographie et les sciences. À l’arrière 4 le vestibule entièrement peint en faux marbre où la table a été mise pour les hôtes de la fête. Deux escaliers symétriques 5 montent aux étages où sont situés les appartements réservés aux invités 6 . Le bâtiment des communs au nordest du château (avec chapelle, cuisine, serres, chambres…) a aujourd’hui entièrement disparu.

Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
illustrations : Jean-François Binet, François Brosse