Patrimoine

Construite sous le Second Empire par un architecte républicain, la prison Saint-Michel témoigne du modèle adopté au milieu du XIXe siècle pour concilier économie, sécurité et minimum humanitaire.

Le XIXe siècle aura été le siècle des prisons. Partout, pour remplacer les édifices vétustes où croupissent (et meurent) les masses de prisonniers fournies par le nouveau système pénal créé par la Révolution, on construit, on expérimente, on réfléchit. Les débats passionnés qui agitent la période 1820-1840 permettent d’arriver à une sorte de compromis entre partisans et adversaires de l’isolement cellulaire expérimenté aux États-Unis. Compte tenu des modestes moyens financiers (les établissements sont construits par les départements et l’État ne prendra les salaires des personnels à sa charge qu’à partir de 1855), la prison française sera mixte : cellulaire – dans la mesure du possible – la nuit, collective (ateliers et préaux) la journée. Des plans modèles imités des prisons américaines sont publiés par le ministère en 1841. C’est de ceux-ci que s’inspirera directement Jacques-Jean Esquié, architecte du département, quand le Conseil général de la Haute-Garonne le chargera en 1854 de concevoir une nouvelle prison départementale à Toulouse. Esquié, qui vient de réaliser avec succès l’asile de Braqueville (actuel hôpital Marchant), prend le projet très à coeur et fera tout pour qu’il ne coûte pas trop cher au contribuable. Déchu de sa charge en 1867 pour cause de militantisme républicain, il se vantera que la nouvelle prison soit revenue à 2 000 francs par prisonnier, soit moitié moins cher que les prisons qui venaient d’être bâties à Paris.

LA PRISON SAINT-MICHEL EN 1869

De chaque côté du porche d’entrée 1 deux tours de style médiéval 2 (Esquié était un grand ami de Viollet-Le-Duc) pour dissuader le passant d’enfreindre la loi. Derrière, les bureaux de l’administration et des services généraux 3 en style toulousain avec briques et arcs romans et une galerie d’accès bordée par les parloirs 4 qui mène à la prison elle-même. Le centre de la prison est une chapelle 5 catholique avec un autel au sol. Deux petites salles sont réservées aux services pour prisonniers protestants et juifs. En avant du dôme, le beffroi 6 sert à sonner l’emploi du temps des détenus et l’alarme en cas de mutinerie, d’incendie ou d’évasion. Les quartiers sont indépendants les uns des autres avec chacun ateliers 7 (où un entrepreneur privé fait travailler les prisonniers), réfectoires 8 (où on doit manger en silence), dortoirs, cellules 9 et cachots 10 (la moitié des infractions relevées ont trait au silence obligatoire) dans les étages. Les planchers sont en fer ou en briques pour ne pas pouvoir brûler. Notable progrès, l’ensemble est chauffé et ventilé. Les deux quartiers les plus proches du bâtiment administratif sont réservés aux femmes 11 gardées par des religieuses.


À lire : Jacques-Jean Esquié, architecte de fonction toulousain, Musée Paul Dupuy, 1992.

Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
illustrations : Pierre-Xavier grézaud