Patrimoine

Si la basilique est l'église majeure de Toulouse, elle le doit aux pèlerins.

À Toulouse côté sud, les évêques puis archevêques ont peiné à bâtir et rebâtir leur étrange cathédrale Saint-Étienne sans jamais réussir à la terminer faute de moyens suffisants. À Toulouse côté nord, les chanoines de Saint-Sernin n'ont eux apparemment pas eu trop de difficultés à construire d'un seul élan leur immense basilique romane. Si Saint-Sernin s'est imposée par rapport à la cathédrale, c'est grâce aux pèlerins. Les premiers furent les chrétiens toulousains des derniers temps de l'empire romain qui, à force de se faire enterrer au plus près de la tombe du premier évêque puis à venir prier là, forcèrent à bâtir une première petite basilique dès 350 puis une seconde un peu plus grande vers 400. C'est sans doute l'accroissement démographique de l'an mil qui explique le lancement du chantier de la basilique romane : les routes sont plus sûres, les esprits plus tourmentés dans une société qui s'enrichit, les pèlerins plus nombreux. Un pèlerin ne fait pas que prier, il dort, mange, verse des aumônes, achète des objets fabriqués sur place et fait vivre une partie de l'économie locale. Saint-Sernin devient un bourg qui force Toulouse à allonger d'un tiers ses murailles pour l'englober.
La basilique à peu près terminée au milieu du XIIIe siècle, les temps changèrent. Ce n'était pas seulement ici la fin du comté de Toulouse absorbé par le royaume de France. C'était comme partout l'essor des ordres mendiants (Jacobins, Cordeliers, Carmes et Augustins s'installent à ce moment en ville). Saint-Sernin dut innover : on bâtit un baldaquin gothique pour mettre les restes de Saturnin bien en évidence, on enrichit considérablement la collection de reliques … Le constat d'échec, ce fut peut-être à la fin du XIVe siècle la création d'une confrérie urbaine chargée de financer le culte des reliques à la basilique mais également d'assurer une partie du coûteux entretien du bâtiment. Cette Confrérie des Corps Saints, qui perdura jusqu'à la Révolution, entérinait la fin de l'âge d'or des pèlerinages et la prise en charge du culte des reliques par les habitants.


À lire : Saint-Sernin de Toulouse. De Saturnin au chef-d'oeuvre de l'art roman, Quitterie et Daniel Cazes, photographies de Michel Escourbiac, Odyssée 2008 ; Saint-Sernin de Toulouse à la fin du Moyen Âge. Des reliques et des hommes, Annales du Midi n° 226 1999.

Le choeur de Saint-Sernin en pleine activité au début des années 1250, avant le début des travaux de la crypte qui allaient presque totalement transformer le site afin de mettre les reliques plus en évidence. Les sarcophages de Saturnin et
des autres premiers évêques sont encore sous la terre 1. peut-être signalés par des dalles que les pèlerins voient à travers les fenêtres de la crypte 2. Ils peuvent aussi honorer d’autres reliques comme sur l’autel 3 de l’absidiole d’axe où, après une procession solennelle 4, on plaçait en grande cérémonie la châsse très ornementée (voir à gauche 5) contenant des reliques de la vraie croix. La table d'autel sculptée à la fin du XIe siècle par Gilduin 6 est encore à la verticale du tombeau de Saturnin, peut-être devant un retable 7 comportant en tout cas le grand Christ, lui aussi sculpté par Gilduin.

Une réalisation du Studio Différemment :
Texte : Jean de Saint Blanquat ;
illustrations : François Brosse.
Merci à Quitterie Cazes pour son aide.