Les cales de radoub

Construit au XIXe siècle pour réparer les embarcations ailleurs que sur un Canal qui ne désemplissait pas, le site est un témoignage unique de son âge d'or.

Avez-vous déjà vu passer des convois de marchandises sur le Canal du Midi ? Non, depuis le début des années 1980, quand le Canal a cessé tout trafic commercial pour se consacrer au tourisme fluvial, on n’y transporte plus ni blé ni vin ni quoi que ce soit qui s’achète et se vend. La situation était bien différente au milieu du XIXe siècle, lorsque le Canal était une voie commerciale majeure, non seulement pour le blé du Haut Languedoc (qui descendait), le vin du Bas Languedoc (qui remontait) et toutes sortes d’autres marchandises, mais aussi pour les voyageurs qui appréciaient le confort et la rapidité de ses barques de poste qui permettaient de relier Toulouse (6 heures du matin) à Béziers (18 heures le lendemain) en 36 heures, horaire alors imbattable. En 1854, année de son apogée, ce trafic de poste culmine ainsi à 94 000 passagers contre 71 000 en 1831 et 29 400 en 1783. Assuré par un petit nombre d’entreprises spécialisées, il avait bénéficié d’une réorganisation entre l’Empire et les années 1820 pour maximiser ses possibilités et accélérer ses horaires qui avaient été réduits de moitié en partie grâce au transport continu sur la même embarcation (avant, il fallait en changer à chaque écluse double ou triple) et à la navigation de nuit. Le même genre de réorganisation eut lieu dans les années 1830 pour le transport de marchandises qui ne cessait lui aussi d’augmenter. Les propriétaires du Canal (toujours les héritiers de Riquet qui avaient réussi à reprendre la main sous la Restauration, la Révolution n’ayant pas pu exproprier ceux qui n’avaient pas émigré) refusèrent une régie des patrons et négociants utilisateurs mais virent vite qu’il était dans leur intérêt d’accepter, pour les marchandises aussi, une navigation accélérée avec des horaires fixes, des relais coordonnés et de la navigation de nuit. C’est à cette époque justement que sont lancés toute une série de travaux pour mettre l’infrastructure (déjà plus d’un siècle et demi d’âge) à niveau : port Saint-Sauveur pour désengorger le port SaintÉtienne dans les années 1820,cales de radoub pour désengorger le port Saint-Sauveur dans les années 1830, nouvelles vannes au réservoir de Saint-Ferréol, canal des Étangs de Sète au Rhône …Puis deux ouvrages qui demandent beaucoup d’efforts et entrent véritablement en service à un moment bien particulier : le pont-canal de l’Orb à Béziers et le Canal latéral à la Garonne.Un moment particulier car on est déjà à la fin des années 1850 et que le pays entier se couvre de lignes de chemin de fer. Les deux points forts du Canal (régularité et rapidité) sont justement ceux du nouveau type de transport qui débarque à Toulouse en 1857 : un chemin de fer aussi régulier mais beaucoup plus rapide qui non seulement va naturellement et sans se forcer reprendre l’essentiel du trafic assuré jusqu’ici par la voie d’eau mais ici carrément affermer le Canal confié par l’État à la Compagnie du Midi des frères Pereire.

Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
illustrations : Philipe Biard
Merci à la Direction du Patrimoine.

Les cales de radoub du Canal du Midi dans les années 1850. Sur le terrain de l’ancienne folie Monplaisir tout juste racheté, on fait creuser à partir de 1834 un bassin 1 attenant au Canal 2 et 4 cales 3 pour y réparer au calme et au large les embarcations de la Compagnie.Le site est voisin des pavillons d’octroi (où étaient perçues les taxes municipales sur les marchandises) de la route de Revel et on y accède entre les deux pavillons d’entrée 4 (logements et bureaux) bordés de chaque côté par des hangars pour le bois 5.L’une des cales est couverte à partir de 1843 6 pour pouvoir travailler en toute saison et est aujourd’hui la seule encore debout sur l’ensemble du Canal.Tout autour, on plante plus de 500 platanes.