Alexa Debard

Simple héroïne

Infectiologue au sein du Service des maladies infectieuses et tropicales du CHU de Toulouse, le docteur Alexa Debard a vécu le Covid-19 en première ligne. La crise vue de l'intérieur.

Quand on lui parle de héros, Alexa pense spontanément aux super héros de son fils. De son point de vue, elle a « simplement fait son travail : soigner, rassurer, donner confiance ». En ce début de déconfinement, l'infectiologue de 41 ans s'extrait de son quotidien de soignant pour nous raconter son expérience de la crise sanitaire. Elle est chaleureuse, simple, au naturel. Fille d'agriculteurs de l'Aveyron, elle n'était pas prédestinée à devenir médecin. Elle a choisi la médecine interne et une surspécialisation dans les maladies infectieuses, « une médecine au chevet des plus précaires et en perpétuel mouvement ».
Au quotidien, son service prend en charge les infections bactériennes et virales. Pour autant, cette période fut « inédite ». Elle se souvient de « l'avant » : la boule au ventre des membres de l'équipe, l'angoisse pour eux et leurs proches, les messages de confrères étrangers « qui font froid dans le dos ». « Ce virus est nouveau par de multiples aspects : son étendue, sa gravité, sa dissémination très rapide. On s'attend à vivre quelque chose de dévastateur ». C'est le branle-bas de combat. Responsable de l'hospitalisation complète, Alexa est aux commandes pour appliquer les décisions du CHU. Il faut vider le service de ses patients pour libérer des places, tout réorganiser, trouver des renforts et obtenir du matériel. Rassurer les équipes aussi. L'hôpital est prêt à accueillir la « vague ». Le 11 mars, le premier cas sévère d'un jeune patient, 42 ans, arrive comme un mauvais présage. À l'inquiétude, s'ajoute le sentiment d'impuissance : il n'y a pas de traitement efficace. Alexa, comme ses collègues, double les astreintes. Son quotidien : cellule de crise tous les matins, point sur les chiffres, visites des patients, organisation matérielle, échanges permanents entre professionnels.

Solidarité

Le soir, sur son vélo pour rentrer chez elle, elle est « très touchée » par les premiers applaudissements. Les fois où elle est avec ses enfants, ils applaudissent ensemble, pour remercier les soignants mais aussi les « nounous exceptionnelles » qui ont accueilli au débotté ses enfants de 6 et 2 ans dans une crèche réquisitionnée. Elle évoque également les nombreux témoignages de solidarité : les pizzas livrées par surprise à l'hôpital ou les oeufs de Pâques déposés devant sa porte par les voisins. Et puis il y a les patients. Alexa repense à des forces de la nature ébranlées par le virus, au flot d'émotions en sortie de réa, à leur reconnaissance.
Les soignants, eux, « se serrent les coudes ». L'épreuve rapproche. Dans l'action, l'angoisse se calme et la situation s'avère finalement « gérable ».« On n'a pas souffert comme en Ile de France et dans l'Est, c'est une chance. » La période reste « marquante ». Elle se rappelle quand ses précédesseurs racontaient les débuts de l'infection par le VIH. Elle était impressionnée. Aujourd'hui, c'est elle qui a été actrice de la crise sanitaire. Ses souhaits pour « l'après » ? Reconnaissance, revalorisations, défense de l'hôpital public.