Qui était Nicolas Bachelier ?
Maçon ou sculpteur ? Architecte pour les riches toulousains ou entrepreneur de travaux publics ? Parcours parmi le peu que l’on sait d’un homme qui a beaucoup fait.
Lorsqu’un artiste, malgré sa très flatteuse réputation, n’a laissé de lui que des bâtiments, des sculptures pieuses ou décoratives, des fenêtres, des portails, des escaliers, des contrats, des baux et des quittances … mais rien qui permette de savoir à quoi il ressemblait ou ce qu’il pouvait bien penser, on en est réduit à tenter de dresser de lui un portrait en creux. Un portrait qui commencerait par la question déjà problématique de son métier. Cela peut paraître étrange pour quelqu’un qui fut plus tard comparé à Michel-Ange, mais à Toulouse, Nicolas Bachelier était officiellement maçon. Mais un maçon avec quelque chose en plus puisque, dès son arrivée à Toulouse au début des années 1530, il tient à se faire appeler « tailleur de pierre originaire d’Arras », un tailleur de pierre (mais aussi lapicidaire, picapeirier, tailleur d’images, imageur, c’est à dire sculpteur et bientôt architecte) qui impressionne très vite puisque dès 1535, lorsque les Capitouls veulent se justifier de l’avoir choisi pour bâtir 6 oratoires aux portes de la ville, ils expliquent que « autre ouvrier ne se pouvait trouver qui fût assez savant pour faire la dite besogne ». Ce côté « savant » du personnage explique les trois types de clients pour lesquels il travailla et qu’il devait flatter par son niveau d’exigence (comme lorsqu’il assure par contrat que les colonnes du château de Saint-Jory seront « faites en tout à l’imitation de celles qui sont dedans l’église de la Rotonde (le Panthéon) à Rome, ou mieux s’il est possible »). D’abord les institutions civiles comme les Capitouls qui le feront travailler toute sa carrière sur toutes sortes de chantiers allant de la pure décoration (portails du Capitole ou du collège de l’Esquile) à la pure ingénierie (Pont-Neuf, fortin du Bazacle) ou le Parlement qui lui fait raser le Château-Narbonnais. Ensuite les institutions religieuses (Jubé des Cordeliers, chapelle à Saint-Étienne, clocher et retable de la Dalbade …). Enfin les grosses fortunes venues du pastel ou du droit, les deux principales sources d’enrichissement à Toulouse à l’époque. On pourrait terminer le portrait par le (très) peu qu’on sait de sa vie privée, qu’il avait deux maisons rue Boulbonne et place Saint- Georges, un frère un peu aigri (Louis), une femme (Antoinette) et quatre enfants (Dominique qui prendra sa suite comme architecte et ingénieur de travaux publics, Antoine et Géraud qui furent tous deux tailleurs de pierre, Bernarde qui ne se maria pas). Et que, l’hôtel d’Assézat à peine commencé, il fut enterré en 1556 « en l’église du couvent des Augustins », sans que l’on sache si c’était parce que c’était l’église de son quartier … ou le siège de la corporation des maçons.
À lire : Henri Graillot, Nicolas Bachelier, imagier et maçon de Toulouse au XVIe siècle, Privat, 1914 ; Pascal Julien (dir.), Toulouse Renaissance, Musée des Augustins/Somogy, 2018.
Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
illustrations : Jean-François Binet, Jean-François Péneau
Merci à la Direction du Patrimoine.
L’architecture renaissance à Toulouse est un art de l’ouverture qui signale l’originalité d’un bâtiment, la richesse de son propriétaire et le talent de celui à qui il a fait appel. À gauche, deux oeuvres certaines de Bachelier : le très typique portailfenêtres 1 pour l'hôtel particulier en arrière cour rue de la Pomme 2 qu'il conçoit en 1544 pour Guillaume de Bernuy et la formule plus simple et plus tardive (1555) du portail 3 du collège de l’Esquile rue du Taur 4 . À droite, trois oeuvres dont l’attribution à Bachelier sculpteur est plus discutée : une fenêtre 5 de l’hôtel du Vieux Raisin 6 la galerie 7 de l’hôtel d’Assézat 8 et le portail 9 du logis de l’hôtel de Bagis 10 (futur hôtel de Pierre). Il oeuvra néanmoins en tant qu'architecte concepteur pour les deux derniers.