Candie : le château-décor des ysalguier

Construite au début du XIVe siècle par un financier sans scrupules (mais adepte du retour à la terre), cette résidence d'exception aujourd'hui propriété de la commune est emblématique des anciens domaines agricoles des environs de Toulouse.

C'est « une apparence de château- fort », non pas pour se défendre mais pour avoir l’air de se défendre : les toits de tuiles sont cachés par de fins (60 centimètres) et hauts murs qui ne se donnent même pas la peine de faire le tour de la cour centrale, les douves elles non plus « ne font pas le tour du bâtiment ». Construit autour de 1300 dans la campagne aux limites sud-ouest du territoire toulousain, le château de Saint-Simon (plus tard appelé de Candie, aujourd’hui voisin de l’aérodrome de Francazal) « ne pouvait ni soutenir une attaque ni défendre un territoire ». C’était « la résidence d’un riche propriétaire qui souhaitait affirmer son statut en l’agrémentant d’éléments empruntés à l’architecture militaire ». Qui était le « riche propriétaire » de ce sympathique château-décor ? Selon toute probabilité un personnage justement assez peu sympathique (se méfier des apparences). Raymond Ysalguier, « fondateur de la fortune familiale », peut-être issu d’une famille paysanne des campagnes au nord de Toulouse, y est actif comme changeur d’argent dans les dernières années du XIIIe siècle et semble y réussir puisqu’il est élu capitoul dès 1295. Ce qui peut expliquer que les envoyés du roi Philippe le Bel fassent appel à lui lorsqu’il s’agit en 1306 de faire estimer et vendre tous les biens volés aux nombreux Juifs toulousains brutalement expulsés pour en faire rapidement rentrer l’argent dans les caisses de l’État. Ysalguier semble donner totale satisfaction dans cette tâche sordide puisqu’il devient ensuite une sorte de banquier qui prête de l’argent aux rois. Les rois étant impécunieux, ils remboursent le financier apparemment désireux d’un certain retour à la terre en domaines et seigneuries tout autour de la ville (mais surtout au sud) qui vont faire de ses descendants des membres importants de l’aristocratie foncière locale et même un temps la plus riche famille toulousaine, élue près de 40 fois au capitoulat. Mais le choix des Ysalguier de privilégier la terre au détriment de la finance publique et du négoce va peu à peu entraîner leur déclin, leurs nombreux biens, dévastés par les guerres, passant dans d’autres familles ou, pour Saint-Simon en 1499, tout simplement à leur notaire. Mais sans faire oublier leur splendeur : en plus de quelques bâtiments emblématiques comme notre futur château de Candie, la maison Ysalguier d’Auterive ou l’hôtel des Ysalguier rue Peyrolières (derrière la Daurade) à Toulouse, leur nom reste célèbre et quand un parlementaire de la fin du XVIe siècle écrit une fausse chronique médiévale en latin pour faire croire à l’antiquité extrême de son institution et qu’il invente, pour animer un peu son fastidieux récit, une « aventure de roman » d’un Toulousain imaginaire du début du XVe siècle qui, s’arrêtant à Gao sur les bords du Niger, « devint éperdument amoureux d’une jeune nègre, riche et de qualité », l’épousa et finit par la ramener chez lui… ce Toulousain prénommé Anselme fait naturellement partie d’une « des plus nobles et des plus florissantes familles de Toulouse en ce temps-là » : les Ysalguier.

Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
illustrations : Jean-François Binet Jean-François Péneau
Merci à la Direction du Patrimoine.

Alternative de l'illustration disponible ci-après
Ci-dessus, le château de Saint-Simon au temps de la splendeur des Ysalguier au XIVe siècle. Bordé de douves au sud 1 et à l'est 2 le château n'est en fait qu'une façade avec une tour-porche 3 entourée de deux bâtiments dont le rez de chaussée 4 est « consacré aux activités économiques et agricoles » tandis que l'étage sert d'habitation 5 . Les fins murs extérieurs cachent les toits de tuiles 6 et ne vont pas jusqu'à l'angle nord-est. À gauche, le château au temps de Jean- François-Marie de Candie, dernier seigneur de Saint- Simon et qui donna son nom au site (mais se fit bâtir un « château neuf » au nord).

Alternative de l'illustration disponible ci-après
À l'ouest 7 l'église paroissiale de Saint-Simon qui sera désaffectée à cette période puis aux trois-quarts détruite au XIXe siècle pour devenir la chapelle privée du château. Des échauguettes et la tour d'angle 8 ont été rajoutées au XVIIe siècle ainsi qu'une nouvelle aile à l'est 9 .