Les dernières cartouches

Les 3 derniers quarts de siècle de l’Atelier de fabrication de Toulouse (ATE) qu'on appelait la Cartoucherie

Que faire des méga-usines de guerre lorsque la guerre est finie ? La question se posa à Toulouse où l’énorme poudrerie qui avait débordé du Ramier fut scindée dans les années 1920 en une poudrerie plus réduite sur le Ramier et une usine chimique rive gauche dédiée aux engrais agricoles. Elle se posa aussi pour notre cartoucherie qui fut, elle, à peu près conservée telle quelle et même augmentée de « deux ateliers de cartouches absolument modernes ». Nouveaux ajouts au début de la Seconde Guerre mondiale pour suivre la brusque hausse de la demande, flottements pendant l’occupation et à la Libération avant une poursuite décidée de l’activité à partir de 1947 où Toulouse est l’un des principaux sites de la Direction des études et fabrications d’armement (DEFA), l’ancêtre du GIAT (Groupement industriel des armements terrestres) qui regroupe en 1971 toutes les industries d’armement terrestre dépendant de l’État.
À ce moment-là, la Cartoucherie regroupe encore près de 1 500 employés dont 633 (44 %) « productifs » et 496 (34 %) « indirectement productifs » (Mécanique, Bâtiments et moteurs). Les ouvriers constituent donc tout juste un peu moins de la moitié des personnes sur le site, entourés qu’ils sont par les 326 (22%) « improductifs » (services d’étude Prévision, Qualité-contrôle et les services administratifs et généraux) et également les personnels, professeurs et élèves de l’École de formation technique du côté de l’ancienne caserne construite pour les ouvriers malgaches pendant la Première Guerre mondiale. Sur ses 78 hectares et avec ses 253 bâtiments (155 000 m2), l’ATE est alors un gros village industriel et industrieux, désormais inséré dans l’agglomération, avec ses clubs sportifs et ses associations, et même son journal, Le Polygone qui, à partir de 1980, distribue les nouvelles « de l’atelier voisin » aux employés, familles et retraités. Dans le numéro 12, en 1982, on apprend en détail comment fabriquer la munition de 9 mm « utilisée dans les pistolets automatiques type Parabellum » et qui, « parmi les fabrications en cours actuellement », « est la plus ancienne ». Signe des difficultés qui s’accumulent pour le site, les auteurs notent que « dans le passé, elle a employé beaucoup plus de personnel qu’actuellement. On a compté jusqu’à 80 personnes à Da (le vaste bâtiment qui occupait l’actuel parking du Zenith) pour réaliser les étuis et les balles, et une quarantaine à C26 (petit bâtiment à l’emplacement du Zenith), pour monter les cartouches », sans parler « de très nombreux ouvriers pour fabriquer les outillages ». Onze ans plus tard, le site cesse de fabriquer des munitions avant de fermer définitivement en 2005.

À lire : les très riches contenus du site de l’Association des anciens de la Cartoucherie de Toulouse sur cartoucherietoulouse.jimdo.com

Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
illustrations : Jean-François Péneau
Merci à l'association des Anciens de la Cartoucherie et à la Direction du Patrimoine.



 

En haut à gauche, coupe d’une cartouche pour canon mitrailleur avec l’ogive et le corps d’obus 1 (en bleu) puis la douille avec la poudre et l’amorce 2. En bas à gauche, détail de l’ATE vu du nord dans les années 1960 avec les deux bâtiments conservés aujourd’hui (pointillés blancs) : tout l'atelier M2 3 (actuelle Halle de la cartoucherie) et l’extrémité de l'atelier M3 4. Pendant la Première Guerre mondiale les deux abritent des ateliers du matériel. Après la Seconde Guerre mondiale, M2 a été affecté à la fabrication des douilles de petit calibre, M3 aux éléments de munition. Le bâtiment M7 5 construit au début de la Seconde Guerre mondiale et le M4 datant de 1927 6 s’occupent à partir de 1947 des douilles de moyen calibre. On voit l’une des voies ferrées 7 qui rejoignait ensuite la ligne Toulouse-Auch, devant les magasins 8. Ci-dessus, les principales étapes de la fabrication des cartouches de moyen calibre : emboutissage des pièces de métal (flans) pour créer les douilles 9 grâce à plusieurs déformations à froid 10 peinture 11 vérifications 12 conditionnement 13 fabrication des caisses 14.