Naissance des Capitouls

Pourquoi et comment le comte de Toulouse a dû accepter en 1189 de laisser presque tous les pouvoirs dans notre ville aux représentants de ses habitants à l'origine de notre municipalité.

C'est un traité de paix après sans doute un rude combat. D'un côté, le comte de Toulouse Raimond V jure qu'il ne poussera aucun Toulousain ni aucune Toulousaine (c'est donc qu'il l'a fait) à « tuer ou blesser quelqu'un d'autre, allumer un incendie, saccager des vignes, des récoltes ou des vergers, tuer des bestiaux ou commettre quelque autre méfait, participer à une bagarre ou une émeute ». Et qu'il souscrit aux « conditions de paix, condamnations et peines » que l'évêque et les consuls « prononceront à propos des émeutes, rixes et événements survenus dans cette ville ». De l'autre côté, les consuls de Toulouse promettent au comte « leur fidélité » (c'est donc qu'ils ont été infidèles) si l'on tient compte de « tous leurs droits, coutumes et franchises, comme ils les ont et doivent avoir ». Le traité de paix entre les consuls de Toulouse et le comte a lieu en présence de l'évêque dans l'église Saint-Pierre des Cuisines le jour des rois (6 janvier) 1189. Il est accompagné d'un acte d'amnistie pour ce que l'un et l'autre camp ont pu faire de répréhensible et scelle la fin d'une longue période trouble de l'histoire toulousaine où la ville a été très divisée entre les partisans du comte et ses opposants qui se sont souvent appuyés sur l'abbaye de Saint-Sernin et sur le duc d'Aquitaine.
Le duc d'Aquitaine Richard Coeur de Lion a justement joué un certain rôle dans cette dernière crise : en 1188, il s'est approché de la ville et, devant la menace, les consuls semblent avoir appelé à l'aide le lointain roi de France Louis VII plutôt que leur comte Raimond V avec qui les relations ont toujours été difficiles. Très occupé par ses autres territoires plus à l'est qu'il doit protéger des Catalans et des vicomtes Trencavel de Carcassonne et Béziers, le comte a finalement cédé après une probable épreuve de force qui a dû être assez violente. En échange d'un ralliement politique, il laisse presque tous les pouvoirs en ville et un peu autour à ceux qui se feront bientôt appeler les capitouls : un groupe de 12 personnes (bientôt 24, finalement 8) coopté chaque année au sein de la classe dirigeante locale et qui dirigera Toulouse pendant très exactement 6 siècles jusqu'à un certain été 1789.

Ci-dessus, la cérémonie de 1189 à Saint-Pierre des Cuisines : les 12 consuls (1) ayant sans doute menacé de faire appel au roi de France contre la menace aquitaine, le comte Raimond V (2) doit se résoudre à faire de Toulouse une sorte de république municipale autonome en présence de l'évêque Fulcrand. Ci-contre, à la limite entre la Cité de Toulouse (3) et le Bourg Saint-Sernin (4) (qui élisaient 6 consuls chacun), le quartier où les futurs capitouls installent dès 1190 leur maison de ville contre la tour Charlemagne (5) de l'enceinte romaine, devenue ici inutile, et non loin de l'ancienne porte nord de la ville, la Porterie (6) . Représentés en transparence pour mieux se situer : le donjon (7) (qui date du XVIe siècle) et la façade du Capitole (8) (XVIIIe siècle).

À lire : Les comtes de Toulouse et l'Aquitaine, Gérard Pradalié, Annales du Midi n°249, 2005 ; Toulouse au Moyen Âge : 1 000 ans d'histoire urbaine, Jean Catalo et Quitterie Cazes (éd.), Loubatières 2010.

Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
illustrations : Jean-François Binet
Merci à la Direction du Patrimoine.