Saint-Sernin se dote d’un nouveau trésor

Une rose vient d’éclore sur la façade occidentale, longtemps inachevée, de la basilique toulousaine, plus grand édifice roman de France et l’un des plus importants d’Europe.

Le soleil se couche et sa lumière inonde de couleurs l'intérieur de la basilique Saint-Sernin et son autel… Cette image, qui n’était qu’une fiction, est devenue réalité avec l’installation récente d’une rose imaginée par Jean-Michel Othoniel et réalisée par les Ateliers Loire. Placée sur la façade occidentale de cet édifice construit à partir des XIe et XIIe siècles, cette oeuvre abstraite trouve des échos dans le sacré et dans le travail de l’artiste, qui a collaboré avec les verriers pour « retrouver la qualité du dessin à la main, la sensualité, la richesse et la vibration des couleurs » en les associant au mieux à celle de la brique. Ce vitrail contemporain, voulu par Jean-Luc Moudenc, doit permettre au soleil de frapper l’autel le jour de la Saint-Sernin tout en protégeant le grand orgue de la chaleur, avec l’intégration d’un double vitrage. L'artiste s’est également appliqué à ce que cette rose soit visible depuis l’extérieur, grâce à une épaisseur plus importante du plomb étamé qui accroche la lumière.

La rose dans le temps

D’abord simple oculus non vitré destiné à laisser entrer un peu de lumière, baie circulaire simple, puis garnie de découpes de pierre, la rose se généralise avec l’architecture gothique et se dote de vitraux. Souvent placé à l’ouest, cet élément architectural a une symbolique solaire.

En 1118, la mort du chanoine Raymond Gayrard, instigateur des travaux, interrompt l'élévation de la façade. La pierre blanche utilisée dans la partie inférieure de l'édifice 1 témoigne de cette interruption : non structurelle, cette pierre fut délaissée lors de la reprise (après 1200) 2 , pour privilégier la brique, plus modeste.

Des travaux sur plusieurs siècles

L’idée de construire une belle église pour honorer Saint-Saturnin, premier évêque de Toulouse, émerge vers 1070. La façade occidentale constitue la dernière tranche des travaux, après 1200. Mur pignon en briques, cette entrée est moins travaillée que les autres. On trouve tout de même un ample portail 3 orné de chapiteaux et surmonté de cinq arcades moulurées en pierre, et cette grande rose 4 épurée d’un diamètre de 5,50 m, dont les remplages auraient été détruits par un bombardement au XVIe siècle. Des bas-reliefs en marbre 5 , dont certains sont conservés au Musée des Augustins, ont un temps complété l’ensemble. Resté longtemps inachevé, le massif occidental présentait même une dissymétrie 6 , avant que la hauteur des deux pans entourant le portail soit réalignée lors d’une campagne de restauration entre 1927 et 1929. On peut d’ailleurs observer un contraste de couleurs dans les briques.

La dernière touche d’un ensemble

Avant cela, sous l’impulsion de Prosper Mérimée, alors inspecteur général des Monuments Historiques, la basilique Saint-Sernin est classée Monument Historique en 1838. Il propose également l’architecte Viollet le Duc pour mener des travaux de restauration de l’ensemble de l’édifice, qui démarrent vers 1860. Sur la façade occidentale, il imagine deux tours 7 qui ne verront finalement jamais le jour. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, un travail de « dérestauration » de l’oeuvre de Viollet le Duc fut même entrepris pour retrouver l’esprit médiéval. Les portails, modénatures et sculptures ont été dégagés d’une gangue de badigeon ocre posée par Urbain Vitry au XIXe siècle. Aujourd’hui, ce nouvel élément décoratif vient parachever l’évolution complexe de la basilique toulousaine et s’inscrit dans le vaste programme d’aménagement du Grand Saint-Sernin consacré à la rénovation de l'édifice et du quartier.

Bibliographie et sources : entretien avec Jean-Michel Othoniel ; Sébastien Vaissière, Jacques Sierpinski, Saint- Sernin Joyau de l’art roman, Éditions Loubatières, 2006 ; Quitterie et Daniel Cazes, Visiter Saint-Sernin, éditions Sud-Ouest, 2000 ; Saint-Sernin de Toulouse, Trésors et métamorphoses : deux siècles de restauration 1802-1989, Toulouse Musée Saint-Raymond, 1990

Saurez-vous décrypter le motif de la nouvelle rose ?

Dans la structure du dessin, on peut voir le signe de l’infini, du noeud. « On le retrouve beaucoup dans mon travail, mais aussi dans l’iconographie religieuse, comme les enluminures et les vitraux romans », explique Jean- Michel Othoniel. Les épines de cette ligne infinie rappellent la rose mais peuvent aussi évoquer la couronne du Christ. Les 12 cercles rouges symbolisent les 12 langues de feu des apôtres à la Pentecôte et au centre, on retrouve le noeud borroméen.

Direction : L'agence evelyne ; Texte : Paul Périé ; Illustrations : Célia Gazal ; Merci à la Direction du Patrimoine.