Toulouse libérée !
Si la Ville rose est aujourd’hui la capitale de l’Occitanie, Toulouse fut aussi, à une époque, celle du royaume wisigoth. Un pan de son histoire, souvent oublié, que la place des Reines et Rois Wisigoths entend mettre en lumière.
« Est-ce l'Espagne en toi qui pousse un peu sa corne ? », s’interrogeait Claude Nougaro au sujet de sa ville de coeur et de son tempérament. Mais avant l’Espagne, Toulouse a plutôt expérimenté la culture germanique, par le biais d’un peuple barbare. En 419, les Wisigoths sont installés dans le Sud-Ouest de la Gaule par l’Empire romain d’Occident, sur un territoire consenti par l’empereur Honorius. Toulouse, leur résidence royale, devient capitale d’un royaume souvent désigné par les historiens comme le royaume de Toulouse. Cette situation sur la Garonne et à la croisée de nombreuses routes, leur permet de lancer des expéditions vers l’Espagne et la Méditerranée.
- Actuelle place des Reines et Rois Wisigoths
- Mausolée — actuelle école d'économie
- Église Saint-Pierre-des-Cuisines
- Palais wisigoth — actuelle place de Bologne
- Basilique Notre-Dame La Daurade
Connaissez-vous l'autre nom de la reine Ragnahilda ?
Dans la mythologie toulousaine, la reine wisigothe Ragnahilda est connue sous le nom de reine "Pédauque", de l’occitan Pé d’auca, patte d’oie.
Évocation du palais wisigoth d'après une modélisation réalisée par Pascal Capus (Musée Saint-Raymond) à partir des données des fouilles de l'actuelle place de Bologne.
Maquette des vestiges réalisée en 1992 par Denis Delpalillo conservée au Musée Saint-Raymond.
Les vestiges mis au jour en 1988 sur le site de l'ancien hôpital Larrey 4 montrent les traces d'un bâtiment d'envergure datant du Ve siècle. Sa datation, ses dimensions et son emplacement proche du fleuve laissent penser qu'il s'agit bien du palais wisigoth, possible siège de la cour royale, et autour duquel se dessine "un quartier goth". Proche des lieux de culte, adossé à l'ancien rempart romain datant du Ier siècle, il semble se poursuivre dans un axe nord-sud jusqu'au rempart de Garonne. L'hypothèse de ce palais est corroborée par les lettres de Sidoine Apollinaire, témoin oculaire de l'époque qui s'est fréquemment rendu à la cour du roi Théodoric II.
Un palais royal
C’est la naissance du royaume de Toulouse, qui verra tour à tour régner, pendant près d’un siècle, Théodoric Ier, Turismond, Théodoric II, Euric et son épouse Ragnahilda, et enfin, Alaric et son épouse Theodigotha. Toulouse abrite alors la cour de ces rois et devient la véritable capitale d’un royaume wisigoth, qui s’étend à son apogée de la Loire au sud de l’Espagne. Dynamique et animée, elle devient une métropole attractive, où ses nouveaux occupants, qui cohabitent parfaitement avec les habitants, proclament leurs propres lois. Si la ville est l’héritière de la cité romaine, conservant notamment son organisation, les Wisigoths y établissent, entre la Garonne et le rempart nord (édifié au Ier siècle), un quartier goth qui abrite sans doute la résidence royale. Il se situait à proximité de l’actuelle place de Bologne, tout près des églises Saint-Pierre-des-Cuisines et La Daurade, édifiées à la même époque. Et c’est aussi non loin de là, sous le bâtiment de l’actuelle Toulouse School of Economics (TSE), que des archéologues ont découvert ce qui semble être un mausolée de l’époque wisigothique. C’est pour célébrer cette histoire qu’en octobre 2022, à l'initiative du conseil municipal et de l'association Toulouse Wisigothique, la place à l’intersection du boulevard Armand-Duportal et des allées de Barcelone, au pied de TSE, a pris le nom de place des Reines et Rois Wisigoths.
Bibliographie et Sources : Laure Barthet et Claudine Jacquet [sous la direction de], Wisigoths rois de Toulouse, catalogue de l'exposition, Musée Saint-Raymond musée des antiques de Toulouse, 2020 ; Dossiers d'Archéologie, Wisigoths, des barbares au coeur de l'empire, n°398, Mars- Avril 2020, éditions Faton ; Anne Le Stang, Histoire de Toulouse illustrée, éditions Le Pérégrinateur, 2012 ; Joël Schmidt, Le royaume wisigoth de Toulouse, éditions Perrin, 1993 ; Site web Le Décodé, Toulouse, de la superbe capitale royale des Wisigoths ; Lettre d’information de l’association Toulouse Wisigothique, Novembre-Décembre 2022.
Direction : L'agence evelyne ; Texte : Paul Périé ; Illustrations : Célia Gazal ; Merci à Jean Cassaigneau président de l'association Toulouse Wisigothique ; Merci à la Direction du Patrimoine.
Les wisigoths en 3 objets
Les fibules étaient des attaches de la parure servant à fixer le vêtement au niveau des épaules. C’est grâce à ces éléments typiques du costume goth (entre autres), que les archéologues et historiens parviennent à identifier les tombes gothes (notamment celles des femmes qui les portaient par paire, à la mode dite "danubienne", et souvent associées à une ceinture à plaque-boucle). Retrouvées parmi d'autres objets dans les sépultures, elles rappellent une évolution des pratiques funéraires des Goths avec l'apparition de l'inhumation habillée. Autre élément de parure, la plaque-boucle montre l'attrait des Wisigoths pour l'artisanat du métal, notamment la technique du cloisonné (verroterie ou pierres semi-précieuses fixées entre des parois métalliques).
D'après une paire de fibules retrouvées lors des fouilles d'une sépulture près de l'église Saint-Pierre-des-Cuisines.
D'après une plaque-boucle retrouvée lors des fouilles du métro Esquirol.
Ce sceau en saphir dont la provenance reste inconnue appartenait probablement à Alaric (auteur du "Code d'Alaric" et dernier roi wisigoth de Toulouse vaincu par Clovis). Il évoque l'administration écrite du royaume wisigoth.
Un belvédère sur le canal
Entre ville ancienne et ville nouvelle, cette zone est en évolution dans le cadre du projet du Grand Parc Canal, qui vise à diminuer la place de la voiture et à renaturer l’espace le long des trois canaux qui traversent Toulouse. La place des Reines et Rois Wisigoths deviendra un jardin, en belvédère sur le canal de Brienne. Un vaste parvis piéton sera aménagé devant l'école d'économie TSE, invitant à une promenade sur les allées de Barcelone, entre l'écluse de Brienne restaurée et la rue Lancefoc. En piétonnisant l'espace aujourd'hui dévolu à un parking, l’idée est à la fois de valoriser le canal de Brienne (inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco) et le patrimoine historique, tel que le rempart médiéval qui a pu être en partie conservé. Ce nouvel aménagement dont les travaux commencent, doit être livré fin 2025.