Carte blanche à Yann Cabrol - Repense l'eau dans la ville

Bio express

Ingénieur, géographe, Sciences-Po, Yann Cabrol a développé une expertise sur les questions d’aménagement et de coopération territoriale au sein de l’agence d’urbanisme et d’aménagement de l’aire métropolitaine de Toulouse (AUAT). Il en a pris la direction générale en 2019.

 

Alors que les effets du dérèglement climatique s’accentuent, les collectivités sont confrontées à la raréfaction de la ressource en eau. Comment préserver la disponibilité de cet or bleu et en maîtriser les différents usages ? TIM a posé la question à Yann Cabrol.

En quoi l’eau est-elle une ressource clé ?

Elle est vitale à différents titres. Elle est indispensable aux espaces naturels, mais aussi aux activités humaines – agriculture, industrie – ainsi qu’au bien-être de l’ensemble de la population – accès à l’eau potable, rafraîchissement, santé publique. Dans le contexte actuel de réchauffement, la multiplication des évènements extrêmes comme les sécheresses et les canicules font de cette ressource un enjeu de plus en plus crucial et oblige les collectivités à repenser la question de son accès. C’est un véritable défi sachant que les rapports scientifiques montrent qu’une élévation de 1°C de la température induit une augmentation des besoins en eau potable de 1,6 %. Qu'en sera-t-il si la température augmente de 4 ou 6 °C, alors que le territoire toulousain continue d'accueillir de nouveaux habitants ? Et ce problème d’une gestion durable de l’eau est aussi complexifié par le nombre important d’acteurs, publics et privés, aux attentes différentes et qui doivent s’accorder entre eux.

Des exemples d’aménagements vertueux sur notre Métropole ?

La désimperméabilisation du Parc des expositions sur l’île du Ramier, à Toulouse, qui a libéré un espace minéralisé d’environ 10 hectares ; la gestion aérienne des eaux pluviales dans le quartier Monges-Croix du Sud, à Cornebarrieu ; la prise en compte du risque inondation sur la ZAC de Piquepeyre, à Fenouillet… Tous ces projets ont en commun de répondre à un ensemble de critères parmi lesquels on compte aussi la préservation des milieux aquatiques et humides et des continuités écologiques, la gestion des eaux usées et de l’assainissement, la valorisation esthétique et paysagère du projet, etc. Pour les identifier et les valoriser, l’AUAT et l’agence de l’eau Adour-Garonne ont créé un observatoire de la prise en compte de l’eau dans les projets d’aménagement. Quartiers, places, zones d’activité : quelle que soit leur taille, les communes peuvent trouver sur notre site des sources d’inspiration ou bien y présenter leurs projets vertueux. Il est aussi possible de déposer une demande d’aide financière auprès de l’agence de l’eau pour des études de faisabilité ou les travaux eux-mêmes. Il y a des choses à inventer !

Comment peut-on repenser l’eau dans la ville ?

L’objectif est de garantir des ressources en eau en quantité suffisante tout en maîtrisant les prélèvements et en conservant bien sûr la qualité fournie. Pour cela, il n’y a pas une mais plusieurs solutions. Il faut d’abord tenir compte de la raréfaction de l’eau - diminution des pluies et difficultés de rechargement des nappes phréatiques - et intégrer son impact à différentes échelles : dans les usages des habitants, dans les pratiques agricoles mais aussi dans les façons d’aménager la ville. Parmi les solutions possibles, il y a la végétalisation et la « débitumisation ». Ces techniques redonnent des sols vivants qui absorbent l’eau, évitant ainsi le risque d’inondation, tout en créant des îlots de fraîcheur. De telles préoccupations sont désormais réglementées par les documents d’urbanisme. Elles sont aussi systématiquement prises en compte dès la conception des projets. Ces adaptations indispensables, comme le besoin de sobriété foncière, sont relativement bien comprises par les acteurs. Mais l’idéal serait de dépasser les interdictions pour voir se multiplier les bonnes pratiques volontaires.

VERBATIM

Le besoin de sobriété foncière est relativement bien compris par les acteurs mais l’idéal serait de dépasser les interdictions et de voir se multiplier les bonnes pratiques volontaires.

amenagement-eau-sudouest.org