Patrimoine

1463 : Autant en emporte l'Autan

Le plus « grand feu » dont on se souvienne à Toulouse a démarré dans un four de boulanger avant de ravager la ville. Mais sans le vent d’Autan…

On accusa d'abord les Catalans « parce que le roi de France pour ce temps avait guerre avec eux » et qu'il y en avait un certain nombre à Toulouse. Un juge eut la bonne idée de tous les mettre en prison pour les protéger de la fureur populaire et de tous les délivrer quand l'enquête eût établi que les coupables officiels du « gran fòc de Tolosa » (grand feu de Toulouse) étaient deux boulangers du quartier des Carmes, « mari et femme », dont le four « était mauvais et vicieux car, en cuisant le pain, le feu prit en une petite maison de bois et s'augmenta par si grande force pour la violence des vents que le feu dura de 12 à 15 jours ».

Car le coupable, c'était peut-être finalement lui, le vent d'Autan qui soufflait ce 7 mai 1463 et qui explique à la fois la violence du feu, sa durée et sa direction. Et la difficulté à le combattre comme le chante en vers occitans un an plus tard (prix d'églantine aux Jeux Floraux de 1464) le sirventès « lamentatif » de l'étudiant Élie de Solier qui a vu le « malvat fòc » (mauvais feu) « emporté dans les airs par des vents extraordinaires. - Les clochers, les maisons ni les hauts murs - ne l'ont pas empêché de passer partout. - L'eau, ni la force, l'astuce ou même des tranchées - n'y ont aidé en quoi que ce soit. »

Quoique … En étudiant les dégâts et les témoignages, on constate que le feu a à peine mordu à l'est de l'actuelle rue du Languedoc où des rues un peu plus larges et surtout les jardins entourant le couvent des Augustins ont permis à la lutte (qui consistait alors à faire tomber les maisons en limite de l'incendie) d'y être efficace. Ailleurs, la Garonne limitait la progression du feu à l'ouest (même s'il tenta une offensive vers Saint-Cyprien par le pont de la Daurade) mais le vent le poussait de toute sa force vers le nord à travers les rues du dense quartier des marchands, où la brique était encore bien minoritaire et où toutes les maisons avaient encore une structure en bois. Le 10 mai, dans le sud de la ville protégé de la catastrophe, une réunion des autorités tente de faire le point au Parlement et de prendre les premières mesures d'urgence dans une ville sans doute en panique. C'est peut-être à ce moment que l'on décide d'aller demander au jeune Louis XI, alors sur la frontière pyrénéenne puisqu'il est en guerre contre les Catalans, de venir faire sa première entrée royale en ville.
(Suite de l'article au prochain numéro)

Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
illustrations : Jean-François Binet, Jean-François Péneau
Merci à la Direction du Patrimoine pour son aide.

C'est dans un four de boulangers 1 à l'angle de la rue Sesquières 2 (aujourd'hui rue Maletache) et de la rue de l'Arc des Carmes 3 (rue de Languedoc) que démarre le feu qui part aussitôt vers le nord-ouest 4 poussé par le vent d'Autan. Au sud, le monastère des Carmes 5 n'est pas touché ni l'église de la Dalbade 6 . Au nord, le feu dévore le quartier commerçant autour de la rue des Filatiers 7 avec le couvent de la Trinité 8 et le marché de la Pierre 9 . Les espaces plus dégagés de la place Rouaix 10 et autour des Augustins 11 limitent sa progression à l'est, ceux du monastère de la Daurade 12 protègent la basilique mais le Vieux-Pont de la Daurade 13 déjà en mauvais état, brûlera en partie. En pointillé, les limites de la zone touchée par l'incendie (d'après Pierre Salies, Mémoires de la SAMF n°30).