Un palais pour les livres
Nichée rue du Périgord, au cœur de la Ville rose, la Bibliothèque d’étude et du patrimoine de Toulouse abrite des collections aux origines souvent insoupçonnées. Plus d’ 1,5 million de documents y cohabitent dont un rarissime manuscrit du VIIe siècle.
[...] faire de cette Bibliothèque le palais rêvé des livres et des travailleurs."
François Galabert, directeur de la bibliothèque, lors du discours d'inauguration, le 30 mars 1935.
Avec ses volumes majestueux et son style Art Déco, la Bibliothèque d’étude et du patrimoine de Toulouse marque les esprits dès le premier regard. Construite entre 1932 et 1935 sur les plans de Jean Montariol, elle incarne la pièce maîtresse de la politique d’éducation du maire de l’époque, Étienne Billières. Derrière son allure solennelle, qui intimide parfois, elle reste pourtant ouverte à tous depuis 90 ans. Et si l’édifice impressionne par sa façade et ses salles aux proportions grandioses, c’est surtout dans ses coulisses que se révèle l’ampleur de ses trésors : plus d’1,5 million de documents, alignés à perte de vue sur six niveaux de rayonnages métalliques, du sous-sol jusqu’au quatrième étage.
Avant la rue du Périgord
L’histoire de la bibliothèque débute au XVIIIe siècle. Deux bibliothèques publiques sont alors créées à Toulouse : la bibliothèque du Clergé qui ouvre ses portes en 1775 et celle du Collège royal en 1782. Cette dernière, qui deviendra municipale en 1803, est installée, rue Lakanal, par l’archevêque Étienne-Charles de Loménie de Brienne dans les dépendances du Collège royal, ancien collège des Jésuites. Elle est constituée, d’une part, des ouvrages restants de l’ancienne bibliothèque des Jésuites (environ 4 000 volumes) et d’autre part, des dons particuliers de son fondateur, bibliophile avéré. Avec la Révolution de 1789, la bibliothèque hérite de milliers d’ouvrages saisis dans les couvents. Ces derniers sont entassés dans des conditions précaires : certaines feuilles en parchemin servent même à fabriquer des poches pour la poudre à canon. En 1808, Napoléon Ier cède la bibliothèque du Clergé à la Ville de Toulouse. La municipalité se retrouve alors à la tête de deux bibliothèques publiques, dont les collections seront réunies en un seul lieu en 1866. Installées rue Lakanal dans des locaux saturés, humides et dangereux, les collections attendront plusieurs décennies avant de rejoindre, en 1935, le bâtiment de la rue du Périgord, conçu spécialement pour les accueillir.
Un trésor sur charpente d’acier
Jean Montariol dessine un bâtiment en trois pavillons, chacun dédié à un usage particulier : le premier est réservé à l’accueil, aux services et à l’administration, puis vient la salle de lecture pour la consultation des documents et enfin le magasin de livres où ils sont conservés. L’ensemble témoigne d’une conception audacieuse, pensée dans les moindres détails pour répondre aux exigences de lecture et de conservation. Le magasin, notamment, repose sur une structure métallique monumentale *qui porte à la fois les rayonnages de livres, et les planchers. Le moindre centimètre carré est optimisé pour accueillir des ouvrages. À l’ouverture, la bibliothèque comptait plus de 200 000 documents. Ils sont aujourd’hui plus d’1,5 million : manuscrits médiévaux, incunables*, livres anciens et contemporains, journaux et revues, partitions anciennes, livres d’artistes, estampes, photographies anciennes, plaques de verre...
* Incunables : nom donné aux livres imprimés avant 1501.
Les trois pavillons et leurs usages
En 1935, comment Toulouse a-t-elle déménagé plus d’un siècle de savoirs vers sa nouvelle bibliothèque ?
Avec les moyens du bord ! Faute de budget dédié, ce sont les corbillards municipaux et les pompiers qui ont été réquisitionnés.
Actu
À l’occasion de ses 90 ans, la Bibliothèque d’étude et du patrimoine propose une série d’événements pour célébrer ses collections et son histoire. Parmi eux : Sors de ta réserve, l’exposition participative ! qui a invité chacun à voter pour les pièces patrimoniales qu’il souhaitait voir exposer : manuscrits enluminés, livres d’artiste, journaux anciens ou albums jeunesse rares. Les œuvres qui ont remporté le plus de suffrages seront exposées du 30 septembre à janvier 2026.
Plus
L'Espace Patrimoine propose gratuitement un livret de découverte famille sur l'Art déco à Toulouse, intégrant la BEP, à retrouver sur place ou en ligne.
Bibliographie et sources : Entretien avec Isabelle Bonafé (Responsable des collections régionales, Service médiation et valorisation des collections, Direction des bibliothèques et du livre) ; site web archives.toulouse.fr et rosalis.bibliotheque.toulouse.fr ; Nicolas Galaud, Les artistes de la bibliothèque municipale, Toulouse 1935, centenaire de la Société des artistes méridionaux, Mairie de Toulouse, 2005.
Direction : L'agence evelyne ; Texte : Marie Grivot ; Illustrations : Célia Gazal ; Merci à la Direction du Patrimoine.