De l’eau par dessus la garonne

Construit dans les toutes premières décennies de la Toulouse romaine, l’aqueduc déversait dans la ville nouvelle l’eau des sources du plateau de Lardenne tout en permettant à ses habitants de facilement traverser la Garonne et dura, sous le nom de Pont-Vieux, jusqu’au milieu du Moyen Âge.

Douze siècles, qui dit mieux ? Il faudra attendre le XXIXe siècle pour savoir si le Pont-Neuf, qui va bientôt entrer dans son cinquième siècle, sera plus durable que le Pont Vièlh (Pont-Vieux en occitan). En attendant, c’est sous ce nom médiéval que l’aqueduc-pont romain de Toulouse tient de loin la corde même si on ne peut que supposer son aspect et encore plus en quel état il a bien pu atteindre ce fatal effondrement qui finit par le rendre totalement impratiquable : « L’an 1281 et la veille du jour de l’Ascension, une partie du Pont-Vieux s’écroula pendant que la Confrérie des Bateliers de la Dalbade faisait sur la Garonne sa procession accoutumée. Les spectateurs qui s’étaient portés en grand nombre sur ce pont furent entraînés dans sa chute et 200 personnes périrent dans les eaux du fleuve ».
Même après cet effondrement spectaculaire qui mit fin à son usage, des traces de l’ouvrage monumental restèrent longtemps bien visibles et bien identifiées : ainsi le « rocher de Caleb », dernier reste visible (jusqu’au début du XXe siècle) d’une des piles dans le lit de la Garonne, les ruines de « l’ancien château de Peyrolade » entre la place du Chairedon (Émile-Ollivier) et le rempart de Saint-Cyprien qu’on pense avoir été un bassin de rétention lié à l’aqueduc, les « vieilles arcades d’aqueduc » que l’on voit sur les premiers plans de la ville au XVIIe siècle aux abords de Saint-Cyprien et les « bains de la reine Pédauque » près de l’ancien château de Bourrassol, une importante structure détruite au début du XIXe siècle et qui devait être une citerne peut-être reliée à ce réseau. Cette conscience d’un passé où, apparemment, une eau fraîche et pure coulait à flot dans Toulouse, poussa même longtemps les Capitouls à vouloir recréer l’aqueduc : c’est pour cela que le Pont-Neuf avait été construit avec deux conduites d’eau internes et qu’en 1677, ils indiquent au début d’un cahier des charges à cet effet que l’on a « trouvé les vestiges d’un vieux aqueduc élevé qui avait porté les eaux de Lardenne dans son enceinte par un canal coulant suivant l’ancien usage des Romains ». Aqueduc oui, mais ce n’était pas une sorte de pont du Gard qui traversait la Garonne, tout simplement parce qu’il n’y avait nul besoin d’amener l’eau si haut. Plutôt un aqueduc-pont à un seul niveau, bien pratique pour traverser le fleuve à cet endroit. La preuve de cet usage est au Bazacle : les archéologues ont remarqué là-bas que le trafic sur ce gué immémorial qui permet de traverser la Garonne à pied presque sec devient tout à coup « très faible » à partir des années 10 à 20 du premier siècle de notre ère. C’est qu’il y a donc alors un autre moyen plus pratique de passer le fleuve, ce qui correspond parfaitement avec la période où s’édifient et entrent en fonction les équipements majeurs de la nouvelle Toulouse dont cet aqueduc-pont sans doute en partie construit grâce à l’argent impérial et qui permettra de faire passer l’eau et les gens, puis seulement les gens pendant pas moins de 12 siècles.

Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
Illustrations : Philippe Biard
Merci à la Direction du Patrimoine.

Le premier tronçon de l’aqueduc 1 est souterrain et voûté au ras du sol sur 4 km et capte un certain nombre de sources depuis Monlong (en passant par Bellefontaine, la Reynerie et le Mirail) jusqu’à la Cépière où devait exister un important château d’eau 2 . De là part l’aqueduc aérien 3 de 3,8 km avec des arches de briques d’environ 6 à 8 m de hauteur jusqu’à la Garonne 4 où il doit servir de pont et le fera jusqu’au milieu du Moyen Âge sous le nom de Pont Vièlh (Pont-Vieux). Depuis les environs du théâtre 5 la conduite d’eau aboutit ensuite probablement à un nouveau château d’eau vers l’actuelle place Rouaix pour être ensuite distribuée dans la ville.