Charles Maguin - Le vélo gagne les métropoles

Bio express
Charles Maguin a véritablement découvert le vélo lors de ses études à Agro Paris Tech, à l’occasion de stages en Australie et en Allemagne. Devenu ingénieur agronome, il s’est engagé dans le mouvement associatif en créant “Paris en selle” en 2015, qui s’affirme en quelques années comme un interlocuteur de référence des pouvoirs publics pour promouvoir l’usage du vélo. L’association mène un travail de fond sur les contraintes et les leviers du vélo en ville et a publié le Guide des aménagements cyclables. Depuis 2019, Charles Maguin est consultant en urbanisme cyclable.

Dans l’équilibre complexe des différents modes de déplacement, le vélo a tous les atouts pour devenir un outil majeur, en particulier dans les métropoles. Pour Charles Maguin, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que la France se hisse au niveau de ses voisins, mais le vélo y gagne peu à peu sa place comme moyen de transport du quotidien

En quoi le vélo est-il le transport d’avenir dans les métropoles ?
Tout le monde a aujourd’hui conscience des avantages du vélo, au point qu’un collectif de médecins en Angleterre a pu le comparer à un remède miracle. Le vélo est un véhicule non polluant, peu coûteux et sûr. Quand l’espace public est adapté à sa pratique, ses utilisateurs retirent un bien-être lié à l’activité physique et à l’expérience sensorielle qu’il procure, puisqu’il n’a pas l’effet de bulle fermée des autres moyens de transport. Et il se prête particulièrement bien à la densité d’une métropole où beaucoup de choses sont accessibles dans un rayon de 30 minutes. On estime qu’un cycliste parcourt facilement 10 km, 15 km avec un vélo à assistance électrique. Cela veut dire que dans le coeur des métropoles, le vélo permet d’assurer tous les types de trajets, avec des usages qui peuvent être adaptés pour les seniors, pour les personnes à mobilité réduite ou pour le transport des enfants. Dans les parties plus périurbaines, c’est un outil de porte à porte qui fonctionne très bien si on organise sa complémentarité avec les transports en commun, et notamment le train. C’est ce que font par exemple les Pays-Bas, avec un modèle d’intermodalité très efficace. Enfin, l’enjeu climatique impose de diminuer drastiquement les déplacements en voiture pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre les pollutions. Dans cette optique, le vélo est incontournable.

Quel est le rôle de l’aménagement urbain pour promouvoir sa pratique ?
Il est essentiel. De la même manière qu’on ne peut aller nulle part en voiture sans route, on ne peut aller nulle part en vélo sans voie praticable ! Chaque fois qu’une personne se déplace, elle fait un arbitrage parmi les différents modes de mobilités à sa disposition, et ce choix est complètement rationnel. Ce n’est pas la même chose si le trajet à vélo est stressant, au milieu des voitures, éventuellement avec des détours parce qu’on ne peut pas prendre les sens interdits, ou s’il y a des pistes cyclables attractives et directes. Un des leviers principaux pour orienter les déplacements vers le vélo plutôt que vers la voiture est la réponse au sentiment d’insécurité par l’aménagement d’un réseau cyclable. Cela signifie que les collectivités territoriales ont un rôle très important à jouer dans ce domaine. Les réseaux express vélo mis en place dans plusieurs métropoles sont très incitatifs : avec ce type d’aménagement, on sort de la logique des confettis de pistes cyclables éparpillées pour aller vers une véritable infrastructure qui ressemble beaucoup plus à une vraie ligne de transport allant d’un point A à un point B. C’est un atout pour démarrer la pratique, à condition que l’infrastructure soit sérieuse avec cette notion de continuité et de haut niveau de service, c’est-à-dire large, confortable et facilement identifiable. L’autre point important est de rééquilibrer le partage de l’espace public entre les différents modes de transport, en agissant par exemple sur les plans de circulation pour apaiser réellement les rues de quartier, qui n’ont pas vocation à accueillir des pistes cyclables.

Quelles sont les autres incitations à la pratique du vélo ?
Les incitations financières jouent bien sûr un rôle important. En cumulant les aides de l’État et les primes mises en place par de nombreuses collectivités territoriales, on peut arriver à 400 €* pour l’achat d’un vélo à assistance électrique, ce qui est loin d’être négligeable. Sur cette question du coût, il me semble que la vision des consommateurs pourrait aussi évoluer : les montants consacrés au vélo par les Français sont longtemps restés très faibles par rapport à nos voisins allemands. Or, il y a une vraie différence de perception entre un objet de loisirs, que l’on utilise de temps en temps pour se balader le dimanche, et un moyen de transport du quotidien, qui doit être confortable et surtout très fiable ; cela impose un investissement minimum, comme pour une voiture que l’on prévoit d’utiliser tous les jours. Un autre aspect me semble essentiel, c’est le développement de services autour du vélo, et en particulier d’un tissu de réparateurs et de commerces. Tout cela se combine pour faire évoluer les choses. Nous sommes clairement dans une dynamique depuis 2 ou 3 ans, depuis le Plan vélo national, avec des métropoles qui s’y intéressent vraiment, et la crise de la Covid a été un accélérateur. Mais il faut se rappeler que la France part de très loin comparé à des pays comme les Pays-Bas ou l’Allemagne. Pour atteindre l’objectif national de 9 % des trajets effectués à vélo en 2024, il faudrait rester sur le même niveau de croissance qu’en 2020 pendant plusieurs années.

* Dans la métropole toulousaine, le cumul de ces aides peut atteindre 600 euros pour un particuler. Plus d’infos toulouse-metropole.fr

VERBATIM

« La continuité des aménagements est essentielle : pour arriver à une mobilité inclusive et attrayante pour tout le monde, il faut d’abord un réseau cyclable attractif qui permette d’aller partout. »