Les récollets : Comment créer un couvent

Un chef de projet déterminé et inspiré, des protecteurs puissants, des moyens, un créneau favorable : l’installation d’un couvent à Toulouse à la fin du XVe siècle, cela ne s’improvisait pas.

Il faut crier, frapper du pied, trépigner »… Olivier Maillard, l’un des plus célèbres prédicateurs franciscains de la fin du XVe siècle, avait pour habitude d’animer ses prêches par toutes sortes de mimiques de nature à frapper l’attention des foules qui se précipitaient en masse pour l’entendre aux quatre coins du royaume et au-delà. Une habitude qui a dû lui servir pour réussir à implanter un nouveau couvent de son ordre à Toulouse grâce à la force de sa conviction mais aussi des protecteurs puissants, des moyens conséquents et une bonne intelligence stratégique pour dérouler son plan au bon moment afin de neutraliser les oppositions.
Les protecteurs puissants d’abord. Louis XI était vieux, quelque peu inquiet de son accès au Paradis et, entre deux attaques d’apoplexie, il se laissa convaincre par le fougueux prédicateur de signer le 2 juillet 1481 des lettres patentes où il dit vouloir fonder un couvent des Frères Mineurs de l’Observance (la branche réformatrice et austère de l’ordre franciscain dont faisait partie Maillard) « hors et près de notre ville et cité de Toulouse, en une maison ou borde située sur le chemin qui va de la dite ville de Toulouse à la chapelle de Notre-Dame du Férétra ». Après la plus haute autorité civile, la plus haute autorité ecclésiastique : le pape Sixte IV est non seulement franciscain mais a tout intérêt à ce moment-là à faire plaisir au roi de France pour de basses raisons de politique italienne. D’où une bulle papale dès le 13 octobre suivant et une lettre le 29 à l’archevêque de Toulouse pour qu’il obtempére s’il ne veut pas être excommunié.
Les moyens ensuite. Maillard avait visé la Bòrda del Metge (ferme du médecin, en occitan) tout près de la chapelle du Férétra au bout du faubourg Saint-Michel. Le médecin, c’est Folc Andrieu qui possède là une « belle ferme avec étage où il y a salle basse, chambres et granges, cuves et fouloir et four, jardin dans le clos avec treilles, noyers et autres arbres fruitiers ». Et accepte de s’en défaire dès le 3 janvier suivant pour 200 écus payés par le roi. Mais il faut maintenant construire et cela demande des moyens bien supérieurs (dont témoigne la qualité de ce qui nous reste : sculptures, architecture, charpente) qui sont fournis par de riches Toulousains apparemment sous la forte influence de Maillard, ce prédicateur qui, lors de ses séjours en ville, était si convaincant « que les femmes de Toulouse n’usèrent plus d’habillements si voluptueux comme avant ».
L’intelligence stratégique est évidente puisque Maillard a profité de la vieillesse du roi, de la bienveillance intéressée du pape, de la faiblesse des franciscains locaux (les Cordeliers) qui ne se priveront pas de critiquer le projet mais devront se plier quelques années plus tard aux nouvelles règles promues par Maillard, de la richesse montante des Toulousains qui entament tout juste le glorieux siècle du pastel. Résultat : cinq ans plus tard, le couvent semble déjà habitable puisque s’y réunit un synode de l’ordre avec Maillard qui reviendra plusieurs fois à Sainte-Marie des anges (nom donné en souvenir d’une petite chapelle qu’appréciait François d’Assise), la dernière pour y mourir le 13 juin 1502 et s’y faire enterrer.


Aux avant-postes de Toulouse au sud, le nouveau couvent franciscain de l’Observance (des Récollets à partir du XVIIe siècle) servit très vite de halte d’accueil pour les entrées des puissants en ville comme le couvent des Minimes au nord. C’est là que se formait le cortège avant d’aller rejoindre les Capitouls à la porte Saint-Michel comme ici (page de gauche) avec le jeune prince François de Bourbon, duc d’Enghein 1 en 1545 de retour des guerres d’Italie. Ci-dessus, le nouveau couvent vers la même époque et ses environs. Côté ouest de la grande rue du faubourg Saint- Michel 2 qui mène à l’église et à la porte du (bientôt détruit) Château-Narbonnais 3 non loin du port Garaud, le couvent est constitué par l’église Sainte-Marie des anges 4 (dont le clocher sera détruit en 1794) et la maison des frères 5 (rasée elle en 1793) avec leur cloître 6

À lire : Pierre Salies, Sainte-Marie-des-anges, église des Récollets dite église du Calvaire et le faubourg Saint-Michel du XVe siècle à nos jours, Éditions de L’Auta, 1956
Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
illustrations : Marine Delouvrier Pierre-Alexandre Soulat
Merci à la Direction du Patrimoine