L'île du Ramier, la nature de retour

Comment la végétalisation du nord de l’île du Ramier agit sur le climat, la biodiversité et la qualité de l’air ? Plus de fraîcheur, moins de pollution… Les scientifiques mobilisés autour du projet européen Life Green Heart ont rendu leurs conclusions cet automne.

Plus 2°C en 2050. Selon Météo France, dans 25 ans, le climat de Toulouse sera semblable à celui de Valence aujourd’hui. Pour adapter notre ville à ces changements, plusieurs actions ont été engagées. Parmi elles, la végétalisation du nord de l’île du Ramier.
Dès sa conception, le programme d’aménagement se double d’une portée scientifique et, en 2019, le projet Life Green Heart séduit la Commission européenne(*). Ses enjeux ? Fertiliser les sols (appauvris par 70 ans d’occupation par le parc des expositions), créer un îlot de fraicheur, restaurer la biodiversité, réduire la pollution atmosphérique. En décembre 2025, le projet s’achève, fort de six années d’innovations et de suivi. Les partenaires scientifiques ont partagé leurs résultats en octobre dernier.
(*) L’Union Européenne finance Life Green Heart à hauteur de 1,7 millions d’euros, sur un budget total de 3,8 millions d’euros.

Des sols morts redevenus fertiles

En 2020, le déménagement du parc des expositions à Beauzelle offre l’opportunité de végétaliser 10 hectares au nord du Stadium. 40 000 m2 de bâtiments sont déconstruits dans une démarche d’économie circulaire (les matériaux issus de leur démolition ont été récupérés et réemployés sur d’autres chantiers) et le bitume des parkings est ôté sur 30 cm de profondeur. Sans surprise, les sols mis à nu se révèlent alors compacts, imperméables, morts. Pour retrouver une terre fertile, un protocole scientifique est mis en place avec l’aide de chercheurs spécialisés en microbiologie des sols et plusieurs techniques innovantes sont expérimentées. Décompactage, plantation d’une prairie temporaire de légumineuses et graminées, ajout de matière organique, réutilisation des limons, inoculation de micro-organismes… Plusieurs phases successives sont nécessaires mais, au fil des ans, les résultats sont là. La vie souterraine est de retour, rendant possible l’aménagement du parc Picot de Lapeyrouse (ouverture en janvier, lire page 19). Parallèlement, la végétation des berges de la Garonne (ripisylve) est renforcée afin de limiter les crues, filtrer les eaux et offrir un corridor écologique aux animaux. 12 000 arbres et plants forestiers ont déjà été plantés rive droite (côté Empalot), 5 000 supplémentaires le seront fin 2026 sur la berge ouest de l'île (côté Croix de Pierre). Bilan ? Si la toute jeune végétation n’a pas encore libéré son plein potentiel, les scientifiques ont déjà mesuré des améliorations.

Déjà -1°C le jour

Partenaire du projet Life Green Heart, Météo France a installé 14 stations météorologiques sur l’île et dans les quartiers voisins. Objectif : documenter en temps réel les effets de la démolition des bâtiments et de la débitumisation sur la température, notamment lors des vagues de chaleur. Premières observations ? Remplacer les parkings par de la pelouse a déjà permis une diminution des températures de 1°C en journée. À l’aide des données enregistrées, les scientifiques ont réalisé des simulations numériques qui représentent le parc dans le futur. Verdict ? D’ici 10 à 20 ans, lorsque les arbres auront poussé, on pourra atteindre jusqu’à -2°C le soir en température moyenne et, en ressenti, jusqu'à -4°C le jour à l’ombre des arbres. Life Green Heart clôturé, les stations de mesures seront maintenues sur place et Toulouse Métropole poursuivra le traitement des données dès 2026.

La qualité de l’air s’améliore

La start-up toulousaine WaltR est chargée du suivi de la qualité de l’air sur le périmètre du projet. Une caméra multispectrale a été installée afin de détecter les gaz à effet de serre et les principales particules polluantes (dioxyde d’azote, ozone, particules fines). Associée à des stations de mesure par microcapteurs, elle enregistre les données en temps réel et en 3 D. Une technologie innovante qui permet de dresser une cartographie précise de la pollution atmosphérique. Les premiers résultats sont encourageants puisque le taux de CO2 et les niveaux de concentration de dioxyde d’azote ont déjà diminué. Dès 2026, le suivi sera transféré à l’observatoire chargé de la surveillance de la qualité de l’air, ATMO Occitanie.

La biodiversité refait son nid

Huppe fasciée, Pic épeiche, Bouscarle de Cetti, Martin-pêcheur, Bihoreau gris, Milan noir… 64 espèces d’oiseaux ont été comptabilisées sur l’île du Ramier. Depuis 2019, les naturalistes du Muséum y réalisent un suivi ornithologique, mais aussi celui de la flore et des arthropodes (insectes, araignées, millepattes…). Ils poursuivront les inventaires après les travaux afin de mesurer la réinstallation progressive de la nature dans un milieu longtemps perturbé (par le bâti, l’éclairage, le bruit…) et comprendre les différentes étapes de la colonisation par la flore et la faune.

Martin-pêcheur

Des innovations qui inspirent l’Europe

Le projet Life Green Heart a permis de créer des partenariats européens autour de l’adaptation des métropoles au changement climatique. Toulouse s’inscrit désormais dans un réseau de partage des bonnes pratiques sur le retour de la nature en ville et la réduction des îlots de chaleur urbains. Ainsi, des échanges ont été initiés avec la ville allemande de Düsseldorf qui oeuvre à la renaturation d'une petite rivière – la Düssel – et dont les températures futures correspondront probablement à celles de Toulouse aujourd’hui. Face à des défis similaires, les deux villes - "jumelles climatiques" - adoptent des approches différentes, cette diversité apporte son lot d'idées nouvelles : le jardin phénologique(*) de Düsseldorf inspire Toulouse, l’expérience toulousaine en matière de brumisateurs ou de plan canicule bénéficie à Düsseldorf. Les deux villes ont aussi organisé des concours photos pour sensibiliser les citoyens. Des liens ont également été noués avec Vienne – qui mène un projet Life similaire sur l’île du Danube – tandis qu’un voyage à Tunis a permis d’en apprendre davantage sur l'adaptation des villes aux fortes chaleurs. Le retour d’expérience de Life Green Heart dépassera le strict périmètre de l’île du Ramier. Il enrichira la connaissance d’autres villes européennes et les techniques expérimentées seront reproduites dans la métropole toulousaine, notamment pour mettre en valeur les abords des cours d’eau (canal du Midi, Touch, Hers…) dans le cadre des Grands Parcs.
(*) qui étudie et prend en compte l'influence du climat sur le développement saisonnier des plantes et des animaux



Logo du programme européen de financement LIFE       Logo du projet Life Green Heart