Paul Dupuy en son muséepaul musée

Tout juste transformé et rouvert (lire aussi p. 14-15), le Musée des Arts précieux Paul-Dupuy est la création, au début du 20e siècle, d’un riche amateur d’art tiraillé entre érudition et plaisirs.

Son père était épicier rue des Changes, son frère président de la Chambre de commerce. Ingénieur diplômé de l’École centrale mais « noctambule impénitent », Paul Dupuy est plus intéressé par l’opéra (et les chanteuses d’opéra), l’art, l’histoire toulousaine et les habitudes de l’ancien temps que par le cours des denrées. Alors, entre une grasse matinée, un déjeuner fin, la visite d’une amie, une après-midi au café et une soirée au Théâtre du Capitole, il trouve toujours le temps d’aller écumer les antiquaires, marchands de tableaux et d’estampes, bouquinistes à la recherche de la pièce rare qui rende vivant le passé de sa ville et qui à l’époque n’intéressait pas grand monde. Les pièces rares s’accumulant dans son coquet logis, il finit par acheter un hôtel du quartier parlementaire pour y disposer et savamment étiqueter tout cela. Pour certains, ce que l’on commence à appeler le Musée Paul Dupuy « reçoit sans cesse des visites de savants venus des quatre coins de la France et de l’étranger » mais, « disons-le avec regret, est rarement visité par les Toulousains, quoique largement ouvert à tous ceux qui en font la demande ». Pour d’autres, « les étrangers et quelques Toulousains connaissent l’existence de ce musée privé mais bien rares sont les privilégiés admis à le voir » car « M. Paul Dupuy ne tient peut-être pas à être envahi ». C’est que le collectionneur veut être présent et nous avons vu qu’il a un emploi du temps chargé. Il est là en tout cas en juin 1915 pour faire découvrir les lieux à ses amis de la Société Archéologique du Midi de la France : « Notre confrère nous a accueillis avec une joie visible […] dans sa vieille demeure fort habilement restaurée. Il y a formé patiemment un véritable musée précieux pour les artistes, les archéologues et les historiens […] où on est stupéfait d’apercevoir, en nombre, les souvenirs toulousains ». Déjà apparemment bien rempli, le musée déborde déjà une décennie plus tard : « Sous le porche, […] une série de chaises à porteurs » puis une cour au sol pavé recouvert d’un « épais tapis de lierre » « s’étalent des chapitaux, […] et débris de vieux monuments ». L’immense tâche de faire de ce pittoresque musée personnel privé un musée municipal au goût du jour reviendra à l’historien de l’art Robert Mesuret qui le dirige après la mort de Dupuy en 1944 et son legs à la Ville. Première modernisation radicale (d’autres suivront dont la dernière cet automne comme Musée des Arts précieux) qui ouvre en 1949 la collection au grand public mais choque les quelques habitués qui regrettent le « talent de causeur » la « documentation puissante » de feu Monsieur le guide-propriétaire-collectionneur-viveur : « Dites un mot, il va tout de suite où il faut chercher des documents et en quelle abondance, car ce bibliophile lit ses livres ; il connait plus que leur reliure ; les lettres lui en sont familières et nous savons qu’il lui arrive souvent de s’endormir à l’aube, ayant épuisé tous les passe-temps, en lisant dans le texte les anciens auteurs ».

Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
illustrations : Jean-François Binet,
Jean-François Péneau
Merci à la Direction du Patrimoine.

 Musée des Arts
 Musée des Arts

Pour abriter sa collection de « souvenirs toulousains », Paul Dupuy achète en 1909 l’hôtel Besson (famille parlementaire qui l’a reconstruit au 17e siècle) dont on voit ici la façade alors crépie 1. Pour « concilier le style de l’édifice avec les nécessités de l’installation intérieure et donner par de larges baies 2 un éclairage suffisant », Dupuy fait transformer et surélever cette façade 3 avec en particulier une galerie de mirandes 4

 Musée des Arts

 Musée des Arts

en plus d’achever la tourelle de la cour 5. Ci dessus, l’hôtel dans son environnement avant le percement de la rue Ozenne 6 puis le musée après ce percement 7 qui épargne tout juste l’hôtel Tournoer 8. Un nouvel immeuble bâti sur l'axe 9 imite la nouvelle façade du musée Dupuy rue de Pleau. Plus tard le musée s'étendra jusqu’à la rue d’Aussargues 10. Ci-contre, l’historien de l’art Robert Mesuret, premier conservateur du musée municipal jusqu’à sa mort en 1972.