Le temps des cités-jardins
Entre les cités ouvrières du XIXe siècle et les cités tout court à partir de l’après-guerre, les grandes villes européennes tentèrent la cité-jardin. Voici ce que cela donna à Toulouse.
Il y eut d’abord les cités ouvrières construites par les patrons des grandes usines souhaitant stabiliser (et mieux contrôler) leur personnel. Ce modèle commençait à s’épuiser à la fin du XIXe siècle quand des architectes anglais conceptualisèrent la garden city. Pour maitriser une croissance urbaine chaotique, on allait créer des cités autonomes combinant harmonieusement ruralité et urbanité, individualisme (chaque famille ayant sa maison et son jardin) et collectivisme (chaque famille s’engageant à respecter les règles définies en commun).
Le modèle testé au nord de Londres eut du succès et s’exporta rapidement en France. Mais de ce côté-ci de la Manche, il s’agissait d’abord de résoudre la terrible crise du logement en offrant aux classes populaires des logements à bas prix. On bâtit donc ces cités-jardins en limite d’agglomération avec l’aide des municipalités et grâce au rapide développement des transports collectifs (à Toulouse, c’était l’âge d’or du tramway) permettant aux ouvriers et employés d’habiter un peu plus loin de leur lieu de travail qu’avant. Moins ambitieux que le concept anglais, la cité-jardin fut l’une des priorités des grands plans d’aménagement urbains soutenus par l’État après la Première Guerre mondiale et se teinta, dans un climat de grande tension sociale, des couleurs d’une « reconstruction morale », ces quartiers paisibles au contact de la nature étant censés, comme « tout bien-être accordé à l’ouvrier », garantir « contre les désordres sociaux, contre l’anarchie, la grève, la révolution ».
À Toulouse, tout ne se déroula pas tout à fait selon le schéma prévu. Car « ici, ni crise du logement dramatique, ni marée de lotissements, ni ceinture industrielle »… Toulouse est alors la ville heureuse des années Billières (maire de 1925 à sa mort en 1935), un grand village où l’on rêve d’abord d’avoir (comme à la campagne d’où on vient) sa maison à soi. Or les cités-jardins toulousaines sont bâties à l’économie : on y loge plusieurs familles par maison (sur le modèle des toulousaines des faubourgs) selon un modèle qui paraît archaïque et rural par rapport aux réalisations d’autres grandes villes françaises. Dès l’après-guerre, comme partout ailleurs, le modèle sera abandonné par les architectes et les urbanistes qui n’avaient pas vu venir la voiture et succombent aussitôt à sa fascination. On passera alors ici comme partout (sauf de rares exceptions comme Bourrassol, la Cépière ou la cité de l’Hers) de la cité-jardin au jardin-cité, devenu vite la cité tout court : un habitat collectif en hauteur isolé au milieu de vastes jardins entourés de voies rapides qui semble sur le papier parfaitement adapté à la nouvelle ère automobile.
De 1925 à 1935, la municipalité Billières met en chantier des cités-jardins (près de la moitié des habitations à bon marché de la période) tout autour de la ville : Nord 1 (la plus étendue avec 155 logements), Lalande A 2 Lalande B 3 Croix-Daurade 4 Juncasse 5 Limayrac 6 Pont des Demoiselles 7 Croix de Pierre 8 et Fontaine-Lestang 9 . Chaque cité (ici la Juncasse 10 ) est un assemblage de maisons à 1, 2, 3 ou 4 logements (avec chacun son jardin) le long de quelques rues avec quelques commerces et parfois des lavoirs et bains-douches.
Ici, la maison type A2 avec 4 logements 11 totalement symétriques ayant chacun trois chambres 12 une salle commune 13 avec coin cuisine 14 des toilettes 15 et une buanderie 16 dans l’annexe extérieure par lequel on rentre 17 mais pas de salle d’eau.
Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
illustrations : Jean-François Binet, Jean-François Péneau Merci à la Direction du Patrimoine.