La pénitence en bleu

Des quatre confréries de pénitents créées à Toulouse pendant les Guerres de religion, celle des Bleus était la plus sélective. L’originale église Saint-Jérôme qui était leur chapelle nous en donne encore aujourd’hui une idée.

Le roi n’était pas leur cousin mais leur confrère. Peut-être pour se concilier définitivement les hautes classes toulousaines qui ne s’étaient pas ralliées avec un franc enthousiasme à son père Henri IV, le roi Louis XIII en avait fait beaucoup pour flatter les Pénitents bleus lors de son séjour en ville en 1621-1622 : il demanda d’abord à faire partie de leur confrérie avec son frère le duc d’Orléans et « la plupart des princes du sang, des ducs et pairs, des maréchaux de France et des plus grands seigneurs de ce royaume » qui l’accompagnaient alors. Le roi fit même plus : il fit poser quelques mois plus tard la première pierre de leur nouvelle chapelle et, lors de son séjour de 1632, il prononça chez eux avec la reine Anne d’Autriche un « voeu solennel » pour « supplier la Divine Bonté » de leur donner un successeur puisqu’ils avaient quelque difficulté à faire des enfants. Le voeu ne sera exaucé que 6 ans plus tard avec la naissance du futur Louis XIV (lui aussi membre) mais il poussa ces Messieurs de la « compagnie royale » (comme les Pénitents bleus se firent aussitôt appeler) à croire qu’ils jouaient un rôle dans les aléas reproductifs de la famille régnante et à multiplier les célébrations à ce propos. La nouvelle chapelle dont le roi avait fait poser la première pierre devait remplacer la précédente à quelques pas de là mais sur un terrain appartenant en fait aux religieux de saint Antoine du T. Forcés par la justice de bouger mais ne souhaitant pas changer de rue, nos pénitents se firent construire une chapelle « toute de briques, faite en ovale d’une façon belle au possible », la seule chapelle de pénitents qui a survécu jusqu’à aujourd’hui puisque devenue au début du 19e siècle l’église paroissiale Saint-Jérôme. Mais pourquoi les Pénitents bleus ? Dans la compétition entre les 4 compagnies de pénitents (blancs, noirs, bleus puis gris) fondées dans les années 1570, la couleur avait son importance. Peut-être parce que le bleu était le tissu le plus cher car nos confrères le précisèrent dès l’article 2 de leurs statuts : « L’habillement sera de couleur bleue tendant sur le violet pour mieux représenter le deuil de pénitence ainsi que les prélats et princes font ordinairement. La matière sera de treillis d’Allemagne qu’ils porteront sans aucune pompe ni superfluité, et les habits seront faits par un couturier exprès, tous d’une façon, les manches étroites sans plis, bords ni soie ». Tout est à peu près là de la piété légèrement ostentatoire de nos très riches pénitents destinée à montrer l’extrême sacrifice qu’ils faisaient à se cacher sous ce sac anonyme ... mais le plus beau sac qui puisse se faire. Un sac qui éveillait du coup la curiosité des foules. Dès leur première procession en 1576, les Toulousains « les suivirent partout afin de les admirer et pour voir s’ils pourraient connaître quelqu’un de ceux qu’ils voyaient cachés sous ces sacs de pénitence ; mais comme le voile leur couvrait parfaitement le visage et qu’ils avaient les manches abattues sur les mains », cela « leur fut tout à fait impossible ».

Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
Illustrations : Jean-François Péneau,
Pierre-Alexandre Soulat.
Merci à la Direction du Patrimoine.


Les Pénitents bleus s’étaient d’abord installé dans une chapelle appartenant aux religieux de saint Antoine du T 1 qu’ils avaient reconstruite de 1614 à 1617 avec l’aide de l’architecte Jacques Le Mercier. Il en reste le beau portail 2 sur la rue du lieutenant-colonel Pélissier. Délogés de ce terrain par une décision de justice de 1620, les Pénitents bleus se font aussitôt construire une nouvelle chapelle 3 à côté, de 1622 à 1625,par l’architecte Pierre Levesville. Deux rotondes elliptiques dont la première


4 est la chapelle elle-même, la deuxième l’abside 5 alors séparée de la première par un mur et où sont les tribunes des confrères. L’ensemble bordé sur la rue par une façade abritant salles et vestiaires 6 sera ensuite richement décoré, en particulier par le sculpteur Marc Arcis dont on peut toujours voir les bas-reliefs.