La fontaine du confiseur

« Il donnait, il donnait toujours ! » Au milieu d’une place dévastée par l’inondation de 1875, la fontaine Olivier rappelle la générosité du confiseur-distillateur-chocolatier Hippolyte Olivier.

Que reste-t-il de ce qu’on fait ? C’est peut-être la question que s’est posé Hippolyte Olivier au soir de sa vie et d’autant plus que ses deux activités (la confiserie et la philanthropie) étaient éminemment périssables : qui se souvient d’un bonbon, qui garde la mémoire d’une bonne action ?

Côté bonbons, Hippolyte était issu d’une lignée de confiseurs installés à Saint-Cyprien depuis le XVIIIe siècle sur cette large place du Chai Redon (prononcer à l’occitane : Tchaï rédoun, c’est à dire cave ronde) où s’était tenu anciennement un marché et qui est encore à la fin du XIXe siècle « le rendez-vous des charretiers » et bordée de cafés, d’hôtels, de « quelques limonadiers », d’un droguiste et donc d’une confiserie-chocolaterie-distillerie « occupant un personnel nombreux d’ouvriers ». Côté philanthropie, Hippolyte se signale assez tôt par un souci assez inhabituel chez les hommes qui réussissent : dépenser « tous ses revenus » au bénéfice des familles pauvres. Il est le premier à ouvrir dès 1850 à Toulouse, rue de Varsovie, « une crèche de 15 berceaux pour les enfants des mères de famille travaillant en atelier », puis en 1875 au même endroit un établissement « qui sert de retraite à des vieillards non infirmes » qui sera repris par la municipalité (aujourd'hui Centre d'hébergement temporaire pour personnes âgées ou CHT Olivier).

La terrible inondation de juin 1875 qui frappa plus qu’aucune autre partie de Toulouse « sa petite patrie, le faubourg Saint-Cyprien » et en particulier sa place et sa confiserie, voit Hippolyte Olivier se démultiplier « pour réparer tant de désastres et sécher tant de larmes ». C’est aussitôt après que naît le projet d’une fontaine sur cette place afin de « témoigner de la reconnaissance de la Ville » pour tous ceux qui l’ont aidée « au milieu de ses désastres ». La mairie tardant à concrétiser, Olivier propose en 1885 d’offrir « gratuitement à la ville une fontaine monumentale » qu’il verrait bien « sur le cours Dillon ». Mais l’espace y étant limité, la ville décide en 1886 de déplacer le projet place du Chai Redon où les habitants réclament des travaux. Et par la même occasion de la rebaptiser « place Olivier en reconnaissance de l’offre de la fontaine monumentale, ainsi qu’en raison des nombreuses oeuvres de bienfaisance ». L’inauguration- baptême a lieu à la mi-novembre 1887 dans une atmosphère festive marquée par les deux activités d’Hippolyte Olivier puisque « la Fontaine Miraculeuse », « décorée de lustres formés avec des fioles d’eau de mélisse » laisse « couler des flots de sirops et de liqueurs de toute espèce, et chacun a pu se désaltérer à tire-larigot » tandis qu’Olivier organise une « distribution de vêtements, de verres, de liqueurs et de gâteaux aux vieillards des deux sexes ». Le lendemain, ce sont les enfants qui sont à la fête puisqu’on lance à leur intention « 20 ballons multicolores » d’où tombe une « pluie de bonbons et de jouets ».

la place du Chai Redon ​1. le 25 juin 1875 : “Les magasins de MM. Laffitte et Estrade, droguistes, sont complètement détruits. Il en est de même de la maison de M. Olivier 2 . En beaucoup d’endroits il ne reste que les murs de façade lézardés et menaçant ruines”. la fontaine (dessinée par l’architecte toulousain Guillaume Dargassies) dans sa configuration originelle de 1887 avec abreuvoir 3 et deux bornes-fontaines 4 . Le haut du monument est inspiré de la fontaine de la place Saint-Pantaléon (aujourd’hui Roger- Salengro) avec la déesse Cérès (que la presse interprétera comme “symbolisant apparemment la République, ou la Garonne”), des tritons et des marmousets 5 . Une plaque rend hommage “À la ville de Toulouse et aux innombrables souscripteurs qui ont aidé au relèvement du faubourg Saint- Cyprien” sans oublier les “courageux citoyens”, “la garnison”, “la presse”, “les victimes” … et “M. Hippolyte Olivier, donateur de cette fontaine”. Ci-dessus, la place du Chai Redon (rebaptisée Olivier) fin 1887 juste après l’inauguration de la fontaine 6 qui vient remplacer un abreuvoir et qui est à quelques pas de la fabrique de confiseries-chocolatsliqueurs d'Hippolyte Olivier au numéro 13 7 au coin de la rue du Chapeau rouge qui mène à l’église Saint-Nicolas 8 (où auront lieu ses obsèques en 1892).

Texte : Jean de Saint Blanquat
illustrations : Jean-François Binet, Jean-François Péneau
Merci à la Direction du Patrimoine.