Entretien avec Christian Authier

Dans son Petit éloge amoureux de Toulouse, l'écrivain rend hommage à sa ville d’adoption.

Bio
Romancier, essayiste, journaliste, Christian Authier a publié une vingtaine de livres et reçu plusieurs prix littéraires : Roger Nimier en 2006 pour Les Liens défaits, Renaudot de l’essai en 2014 pour De chez nous, Prix des Hussards en 2021 pour Demi-Siècle. Il dirige la collection Petit éloge amoureux, chez Privat, qu’il inaugure avec une évocation sensible et intimiste de Toulouse.

"Toulouse est comme un journal intime à ciel ouvert"

Vous présentez Toulouse comme « une confidente, une compagne, une mémoire vivante »…
Je suis arrivé à Toulouse à l’âge de 5 ans. J’ai passé mon enfance dans le quartier Lalande, ma scolarité à Toulouse-Lautrec, mes études en histoire au Mirail, puis à Sciences Po près de Saint-Sernin, j’ai été journaliste pendant 25 ans à l’Opinion Indépendante… J’ai presque toujours vécu à Toulouse. Alors, forcément, elle est comme un journal intime à ciel ouvert. De nombreux lieux réveillent mes souvenirs. Cet éloge n’est pas un guide au sens classique, il est le fruit de mes déambulations, le récit de choses que j’ai vues, vécues, ressenties. J’y livre ma géographie personnelle de Toulouse. Une géographie sentimentale, buissonnière, vagabonde.

Votre éloge va et vient entre passé et présent, vous recensez des lieux disparus… Pourquoi tant de nostalgie ?
« La forme d’une ville change plus vite, hélas ! que le coeur d’un mortel », écrivait Baudelaire. Les modes de vie ont beaucoup changé en quelques décennies. Les enseignes interchangeables et la consommation frénétique me chagrinent un peu. Voir fermer les cafés, les librairies et les cinémas est pour moi un véritable crève-coeur. Je suis nostalgique d’un temps où les cafés constituaient nos réseaux sociaux, où les rencontres relevaient du hasard, où nos nuits étaient sûres et bon enfant. Je suis un archiviste de l’intime. Quand j’évoque mes souvenirs de l’épicerie Bourdoncle, rue Saint-Rome, tous les Toulousains de plus de 40 ans se souviennent de ses odeurs d’épices. Ce que nous avons de plus personnel a quelque chose d’universel.

Quels lieux préférez-vous à Toulouse ?
Le café Saint-Sernin a marqué mes années d’étudiant. J’y lisais, j’y travaillais, nous y refaisions le monde. J’aime aussi la rue de la Concorde, avec ses maisons à la Sempé, son atmosphère à la Jacques Tati, ses arbres et ses commerces. Je fréquente beaucoup les librairies et les cinémas. Et les restaurants… j’adore les restaurants ! J’étais très malheureux pendant ces longs mois de fermeture. La Pente douce, La Binocle, Solides, Barbaque, Les Planeurs, Le Rocher de la Vierge… S’il y a quelque chose qui se bonifie avec le temps, c’est bien la scène gastronomique toulousaine.

Quelles images de Toulouse s’imposent à vous quand vous la quittez ?
La place du Capitole, évidemment, et le quartier des facultés qui me rappelle ma jeunesse. Les incongruités toulousaines, comme la façade en mosaïque Art déco des anciens locaux de la Dépêche. Et surtout, la lumière extraordinaire qui tombe sur les quais de la Garonne quand le soleil se couche. Toulouse supporte mal la grisaille, ce n’est pas une ville de pluie. Je l’aime encore plus à la belle saison, quand elle invite à la Dolce Vita. D’ailleurs, je lui trouve une atmosphère très italienne.