L’autre monument

Près de l’ancien siège de la Gestapo, le Monument à la gloire de la Résistance symbolise depuis 50 ans l’action souterraine des combattants de l’ombre.

Il y a deux "grands monuments commémoratifs" à Toulouse. Le plus connu, c’est le Monument aux combattants de la Haute-Garonne construit en hommage à ceux de la Première Guerre mondiale entre le boulevard, la rue de Metz et les allées en 1928 : il a marqué les esprits avec ses étranges bas-reliefs (foule de poilus face à une victoire alanguie) et sa position centrale qui en fait un point de repère pratique entre le Boulingrin et la place Wilson. Moins connu est le Monument à la gloire de la Résistance car il est, depuis 1971, de l’autre côté du Boulingrin au bout de l’allée Frédéric-Mistral (où était le siège de la Gestapo) et qu’on ne le voit que de près, ses créateurs ayant voulu rompre « avec la tradition la plus ancrée dans le domaine de l’architecture - ou de la sculpture - commémorative. Il ne fallait pas refaire un monument semblable aux précédents - une superstructure - mais concevoir un "lieu" souterrain, caché, comme le fut la Résistance ». « Sous un mamelon de terre recouvert de gazon » et contre « trois mâts entrecroisés dans l’espace » qui « figurent les diverses formes de la Résistance de toutes les couches sociales et politiques », s’ouvre « un tunnel en béton brut » où « la pénombre règne », « le plafond est assez bas » et l’on arrive en descendant les marches à 3 cryptes éclairées par des projections aléatoires de clichés qui « changent automatiquement suivant les impulsions de la matrice de programmation : chants, martèlement des bottes sur les pavés, roulis de wagons, interviews ». La première crypte est celle des déportés (comme les familles juives parties des camps de Noé et du Récébédou vers la gare de Portet-Saint-Simon l’été 1942 ou les frères Lion en février 1944, imprimeurs de faux papiers et de publications clandestines rue Croix-Baragnon), la deuxième celle des torturés (comme le postier Lucien Béret en octobre 1943 et le policier Léo Hamard en juillet 1944 dont on a retrouvé les corps à côté dans le jardin du siège de la Gestapo) et celle des fusillés (comme le capitaine Louis Pélissier dit Carton en juin 1944 mais aussi guillotinés comme Marcel Langer en juillet 1943 ou tués à bout portant comme François Verdier dit Forain en janvier 1944 dans la forêt de Bouconne et Ariane Fiksman rue de la Pomme en juillet). « Mais ici recommence l’espoir » : après les cryptes, un tunnel où « le jour se fait plus clair » mène par dessous l’allée à une fontaine puis remonte pour déboucher dans le jardin des Plantes « devant une verdure, une floraison et une fraîcheur auxquelles on ne croyait presque plus ». Tout le long de ce tunnel, un « tube de lumière, dont l'angle fut calculé afin que chaque année, à la date du 19 août et à 11 heures, anniversaire de la libération de Toulouse, un rayon de lumière éclaire la plaque commémorative ». Un dispositif rappelant Montségur et les « premiers résistants, les cathares »… mais que le déplacement progressif de l'axe de la Terre a, depuis l'inauguration du monument en 1971, progressivement déréglé.

À lire : Fabien Castaing, Robert Pagès et Roger Tasséra, Le Monument à la gloire de la Résistance, Mairie de Toulouse, 1971; Elérika Leroy, Toulouse, mémoire de rues : Guide historique des Années noires et de la Résistance à Toulouse à travers les plaques de rue et les stèles commémoratives, Mairie de Toulouse, 2008.

Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
Illustrations : Jean-François Binet, Jean-François Péneau.
Merci à la Direction du Patrimoine.

Page de gauche, discussion autour de la maquette 1 qui fut la « pièce contractuelle de la réalisation » sur laquelle se sont fondés les entrepreneurs. On voit autour de la table les architectes de l’agence 3A (Fabien Castaing, Michel Bescos, Pierre Debeaux, et de dos Alex Labat et Pierre Viatgé), ainsi que Xavier Darasse (musique), Hubert Bénita (audiovisuel), l’ingénieur Roger Tasséra et le sculpteur Robert Pagès qui se rendait chaque matin sur place pour résoudre « les problèmes avec l'aide du chef de chantier ».
Ci-dessus, éclaté du Monument avec, face à l’ancien siège de la Gestapo et à côté du Signal, sculpture conçue par Pierre Debeaux sur demande de la mairie pour « attirer l'attention des passants » 2 l’entrée 3 menant aux cryptes des déportés 4 des torturés 5 et des fusillés 6 puis le long couloir 7 vers « l’espoir », passant sous l’allée Serge Ravanel 8 et débouchant sur le jardin des Plantes 9 dans l'allée des Justes parmi les nations.