Pourquoi empalot ?

Il fallait faire vite. Dans une ville où près d’un tiers des logements du centre ancien étaient insalubres et des milliers d’habitants arrivaient chaque année, la plaine fluviale d’Empalot fut le terrain d’essai de la Toulouse « résolument moderne » au sortir de la 2e Guerre mondiale.

Soit l’on détruit (et reconstruit) le centre-ville de Toulouse, soit l’on construit aux limites de la ville. Si l’on en croit les urbanistes de la fin des années 1940, tel semble le choix laissé aux dirigeants pour résoudre au plus vite les très graves problèmes de logement. Or, « remodeler le noyau central » ne peut se faire « sans de longs délais », « des études minutieuses », « des procédures difficiles » et « des charges financières très lourdes ». Alors « qu’aux confins du périmètre d’agglomération », le terrain est libre, peu cher et que la construction peut donc s’y faire vite, facilement et de manière économique. Malgré sa politique très volontariste, la municipalité d’avant-guerre n’a réussi à construire en 15 ans que 1 786 habitations à bon marché (HBM). La municipalité d’après-guerre, plus qu’épaulée par l’État qui a créé un ministère particulier « de la Reconstruction et de l’Urbanisme » pour planifier les innombrables chantiers aux quatre coins du pays, va aller beaucoup plus vite. En 1950, le premier plan quinquennal prévoit la construction de 10 000 logements à Toulouse dont 640 logements sociaux rien qu’en 1950 et plus de la moitié (330) à Empalot. Pourquoi Empalot ? Au bout du faubourg Saint-Michel et derrière l’ancien couvent des Récollets, cette plaine fluviale où il n’y a eu longtemps que quelques tuileries (briquetteries) et dont le nom viendrait d’un propriétaire du XVe siècle nommé Joan Palòt (d’où en Palòt, c’est à dire Monsieur Palòt), est toute proche des deux grosses usines stratégiques que sont la Poudrerie nationale sur le Ramier et l’ONIA (futur AZF) rive gauche. Ce qui explique que les bombardements de 1944 y aient fait des dégâts. Pour les architectes Raymond Chini et Robert Armandary que l’on a chargés de concevoir la cité Daste au nord de la zone, « le quartier d’Empalot, l’un des plus touchés par les bombardements, situé au sud de la ville, en bordure de la Garonne, à proximité des coteaux de Pech David et du Parc des Sports, formait dans l’agglomération toulousaine une enclave très peu bâtie » mais bien placée : les futurs logements seront proches des gros employeurs que sont encore les deux usines et permettront en même temps de limiter l'extension industrielle dans la zone, comme l'a décidé la municipalité dès le milieu des années 1930. Une opération qui semble alors devoir servir de modèle pour « donner à la Ville une allure résolument moderne » et « démontrer que l’immeuble collectif peut offrir plus d’agrément et de confort que la maison individuelle et pour un prix inférieur ».

À lire : CAUE 31, Toulouse 45-75, la ville mise à jour, Loubatières, 2009 ; Audrey Courbebaisse, 
Toulouse : le sens caché des grands ensembles, Presses Universitaires du Mirail, 2018.
Réalisation : Studio Différemment
Texte : Jean de Saint Blanquat
illustrations : Jean-François Binet, Jean-François Péneau
Merci à la Direction du Patrimoine.

 

Page 24, le quartier au début des années 1960 entre la rue du Férétra 1 le boulevard des Récollets 2 (menant au Stadium) et le bras supérieur de la Garonne. Une bonne partie des habitants travaille à la Poudrerie sur le Ramier 3 et à l’ONIA 4 rive gauche. Les premiers immeubles ont été ceux conçus par l’architecte de la ville Jean Montariol pour les cités du Parc du Calvaire 5 (4 immeubles en 1926-29, éclaté ci-dessus avec 3 appartements plutôt simples 6 ) et Saint- Roch 7 (un immeuble en T en 1928-31). Le premier gros chantier d’aprèsguerre est la cité Daste de Raymond Chini et Robert Armandary le long de la Garonne (groupes 3 et 4 8 ici éclaté d’un immeuble du groupe 3 orienté comme les autres au midi, avec ici deux T4 en demi-niveaux 9 ) mais aussi de l’autre côté de la grande place (groupes 1 et 2) 10 entre 1948 et 1955. Viendront presque aussitôt après les immeubles d’Empalot Poudrerie 11 (dans la ligne de la cité Daste) puis, à partir de 1959 ceux d’Empalot Centre 12 pensés selon une logique « industrialisée » dictée par l’État et s'insérant de manière moins harmonieuse dans le projet urbain d'origine.