Notre-Dame du taur, renouveau d’un trésor caché
Si elle n’est pas la plus connue des églises de Toulouse, Notre-Dame du Taur possède une histoire riche et un important patrimoine qui vient de connaître une restauration d’ampleur. Un édifice à redécouvrir.
Nichée rue du Taur*, entre des immeubles d’habitation desquels émerge son clocher-mur, l’église Notre-Dame du Taur se dresserait à l’emplacement d’un martyrium** dédié au premier évêque de Toulouse, Saturnin, aussi appelé Saint-Sernin. Vers 250 après J.C., il aurait été martyrisé pour avoir refusé, au nom de sa foi chrétienne, d’offrir un animal en sacrifice. Attaché à un taureau et traîné dans les rues toulousaines, sur le parcours de l'axe nord-sud nommé cardo, son corps sans vie aurait été retrouvé et inhumé par les Saintes Puelles, avant que ses restes ne soient transférés dans l'actuelle basilique Saint-Sernin. Même si les versions diffèrent sur le lieu précis de sa première sépulture, le martyre de Saint-Saturnin irrigue l’histoire de ce lieu de culte construit au XIVe siècle. Ainsi, jusqu’au XVIIIe siècle, après l’ajout du choeur et des chapelles, l’édifice religieux porte le nom de Saint-Sernin du Taur.
Un premier embellissement
Plus tard, à la fin du XIXe siècle, l’intérieur de Notre-Dame du Taur est l’objet d’une vaste campagne d’embellissement. Suivie par Violletle- Duc puis Anatole de Baudot, la restauration permet notamment la redécouverte, sous un lambris, d’une peinture murale représentant la généalogie de Jacob. Ces travaux sont aussi l’occasion de confier, au peintre toulousain Bernard Bénézet, la réalisation de plusieurs oeuvres, dont celle considérée comme son chef-d’oeuvre. Il peint ainsi cette scène représentant le martyre et l’apothéose de Saint-Saturnin au-dessus de l’autel, dans le choeur liturgique, entre 1881 et 1882. Grâce à des contours sombres et un fond d'or, les figures des personnages, presque à taille humaine, ressortent nettement. On y voit notamment l’évêque gisant au sol aux côtés du taureau que deux personnes tentent de maîtriser. C’est à la même période que l’église est décorée de vitraux conçus par les ateliers du Toulousain Victor Gesta et du Bordelais Marcel Feur et qu’elle accueille un grand orgue*** de la facture d’Eugène Puget, classé Monument Historique depuis 1987 pour sa partie instrumentale.
Une nouvelle valorisation
En août 2023, de nouveaux travaux de restauration ont été lancés par la Mairie de Toulouse. Un chantier d’ampleur visant notamment à traiter l’humidité du lieu et à séparer la charpente pour diminuer les risques d’incendie. Des peintures murales, des ferronneries, des tableaux, du mobilier et même une vingtaine de baies de vitraux ont été remis en état dans les règles de l'art par de nombreux spécialistes qui se sont succédé pour redonner tout leur lustre aux différents éléments décoratifs. Ce travail minutieux a été mené par divers ateliers, et notamment par des artisans locaux.
* Au 12 rue du Taur. ** Lieu de dévotion où se trouve la sépulture d'un martyr. *** L'orgue sera rénové courant 2026.
Les ajouts DU XIXE siècle : de la sobriété méridionale au faste néogothique
Née dans l'austérité du gothique méridional, Notre-Dame du Taur s’est embellie au XIXe siècle de riches décors peints néogothiques réalisés par Jean-Pierre Lavilledieu grâce à la technique du poncif : calque perforé que l’on tamponne avec un sachet de poudre charbonnée, permettant de reporter avec précision un tracé. Les motifs souvent floraux (symboles des jardins du paradis) et répétitifs (le divin et l'infini) se retrouvent sur les murs, les frises, les vitraux créant une harmonie visuelle colorée liant tous les éléments de l’église entre eux.
Bibliographie : Christian Mange, Bernard Bénézet (1835-1897) Vie, oeuvre et style, étude complétée et actualisée en 2022 (thèse soutenue en déc. 1991) ; Jean-Marc Stouffs, La conservation-restauration des peintures de l’église Notre-Dame du Taur (Toulouse), Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, t. LXV, 2005
Direction : L'agence evelyne ; Texte : Paul Périé ; Illustrations : Célia Gazal ; Merci à la Direction du Patrimoine.
Le saviez-vous
Au moment de la restauration du XIXe siècle, différents éléments de décoration de l’église ont été dispersés. On peut par exemple retrouver des panneaux dans une chapelle de la cathédrale de Montauban, une statue en bois dans l’église d’Aucamville ou le maître autel dans la petite église de Lux, dans le Lauragais.
Le gothique méridional
Apparu au début du XIIIe siècle, dans le Midi de la France, dans un contexte religieux instable, le gothique méridional naît avec l'arrivée des ordres dits "mendiants" à Toulouse, notamment les Dominicains et l'impressionnant couvent des Jacobins. Il privilégie une architecture sobre et une nef à un seul vaisseau pour mieux prêcher devant les fidèles.

Sur la photographie stylisée de Notre-Dame du Taur :
- Clocher-mur sobre,
 - Murs en brique foraine locale,
 - Arcs en mitre typiques du gothique méridional (sans taille de pierre),
 - Références militaires (créneaux, mâchicoulis),
 - L’apothéose de Saint-Saturnin de Bernard Bénézet.
 
