Le hall de la Dépêche, Chef-d’oeoeuvre Art déco

Sa façade Art déco ornée de mosaïques est familière. Mais l’histoire de ce bâtiment, conçu par l’architecte toulousain Léon Jaussely, reste méconnue. Inauguré en mai 1927, il abritait à l’origine le hall de promotion et de commercialisation de La Dépêche du Midi.

Rigoureusement symétrique, composée de trois travées, la façade est surmontée d’un fronton à profil de gradins pyramidaux. Son pignon, qui rappelle l’architecture flamande, est orné par les mosaïstes Alphonse Gentil et François Bourdet. La Dépêche y est représentée telle une déesse dont le visage rappelle les peintures de Modigliani. L’ensemble est une allégorie publicitaire géante à la gloire du journal.

 

Dans la Rome antique, les informations importantes se partageaient au Forum. Dans la Ville rose, c’est dans le hall d’exposition de La Dépêche du Midi, quotidien né en 1870, que les Toulousains venaient, au début du XXe siècle, découvrir les dernières actualités du monde. Mais le premier hall, créé en 1912 dans une rue d'Alsace-Lorraine (au n°65) devenue une artère de passage avec l’évolution de la ville vers la gare, s’avère vite trop étroit pour assouvir la curiosité du public. Alors, en 1927, après trois années de travaux, est inauguré ce bâtiment. Sur la façade, l’architecte et urbaniste toulousain Léon Jaussely s’est inspiré des mosaïques néo-byzantines pour lui donner une certaine solennité. La Dépêche y prend les allures d’une déesse d’où rayonnent les nombreux domaines qu’elle traite dans ses pages.


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UNE VRAIE SYMBIOSE

Ce magnifique bâtiment Art déco, qui rompt avec l'aspect haussmannien des immeubles de la rue, est le résultat de la collaboration de divers corps de métier. D’innombrables artisans, pour la plupart toulousains, ont été sollicités : des mosaïstes aux ébénistes, en passant par les ferronniers d’art, les serruriers, les marbriers ou les électriciens. Par bien des aspects, ce hall allie tradition et modernité. Dans sa conception déjà, puisqu’il utilise des matériaux nouveaux pour l’époque, comme le ciment armé. Il illustre aussi la modernisation du journal, qui gère un flux d'informations toujours plus riche. Le circuit général de production s’accélère grâce aux nouvelles rotatives Marinoni, acquises en 1925, et au renouvellement du parc de linotypes. Tourné vers le public dans son usage également, cet espace permet à tous de découvrir les dernières nouvelles économiques, politiques ou sportives et les tendances de la mode. Chacun s’y rend pour lire les derniers télégrammes, les nouvelles éditions ou les numéros “historiques” du journal, étudier les photos d’actualité, écouter de la musique... Une section tourisme permet aussi de prévoir son voyage en train.


LE PREMIER “SHOWROOM” TOULOUSAIN

Le jour de l’inauguration, la foule se presse, sans doute attirée par un dépliant en couleur, pour découvrir ce qui est, en quelque sorte, le premier “showroom” de Toulouse. Imaginé par le quotidien régional, dont le siège et l’imprimerie sont installés non loin de là, rue de Bayard, le hall permet en effet aux entreprises d’y afficher leurs publicités derrière des vitrines. En 1930, il sera considéré comme le hall publicitaire le plus important de France. Après 1967, il deviendra même un drugstore et accueillera, dans son sous-sol, une boîte de nuit dont les plus anciens Toulousains se souviennent peut-être.

Contre 25 centimes, les amateurs de musique pouvaient obtenir des jetons afin d’écouter les vedettes de l’époque : Maurice Chevalier, Mistinguett…

 

Cinq bureaux et un appartement de fonction de quatre pièces (de 95 m2) occupaient l’étage. Façades (rues d'Alsace-Lorraine et Rivals) et toitures sont inscrites au répertoire des Monuments Historiques de France depuis 1997.

 


LÉON JAUSSELY
Fils d’un charpentier, Léon Jaussely naît dans la Ville rose en 1875. À 17 ans, il est Grand prix municipal d’architecture de la Ville de Toulouse avant d’intégrer l’École des Beaux-arts de Paris l’année suivante. Architecte reconnu, on lui doit notamment La Poste du quartier Saint-Aubin dans la Ville rose. C’est aussi lui qui a supervisé la réalisation du Monument à la gloire des combattants de la Haute-Garonne, déplacé l’été dernier pour le chantier de la 3e ligne de métro. Grand Prix de Rome à 28 ans, il remporte différents concours d’urbanisme. Entre 1905 et 1907, il dessine notamment les plans de Barcelone. En 1926, il est fait officier de la Légion d’honneur, six ans avant sa mort à 57 ans.

 

L'imposant comptoir dans l'angle biseauté permettait au personnel de garder un oeil sur tout le hall de 410 m2.

 

MALIN !

Conçu comme un passage couvert, propice à la déambulation, le bâtiment donnait sur la rue d'Alsace-Lorraine et la rue Rivals. Les architectes avaient en effet imaginé un sens de circulation pour les visiteurs, les conduisant, en sortie, sur la rue Rivals. Un bon moyen de fluidifier le mouvement de foule.

Sources : Musée de La Dépêche du Midi.
Bibliographie : Felix Torres, La Dépêche du Midi, histoire d’un journal en République, Hachette, 2002 ; Laurent Delacourt, Léon Jaussely, un pionnier solitaire, éditions du Patrimoine, 2017. Direction : L'Agence ; Texte : Paul Perié ; Illustrations : Célia Gazal ; Merci à la Direction du Patrimoine.