Emploi - « Toulouse, territoire d’avenir » : 11 propositions pour faire face à la crise
Initiative emblématique, démarche pionnière, atouts considérables, pépites, croissance vertueuse, les qualificatifs ne manquent pas pour saluer les conclusions de la commission indépendante « Toulouse Territoire d’Avenir ».
L’aéronautique, pilier historique de l’économie locale, demeure un secteur stratégique pour le territoire.
Priorité à ce qui marche
Toulouse, Territoire d’Avenir », cela pourrait être un simple slogan. C’est bien plus que cela. Il s’agit du nom de la commission indépendante mise en place en juillet à l’initiative de Jean-Luc Moudenc, Président de Toulouse Métropole, et soutenue par la Région. Objectif : voir plus loin face à la crise économique et sociale générée par la crise sanitaire. Présidée par Marion Guillou, spécialiste de l’alimentation, membre du haut conseil pour le climat, cette commission est parrainée par Jean Tirole, prix Nobel d’Economie (2014), fondateur de Toulouse School of Economics (TSE), et composée de 16 personnalités issues du monde académique et économique. Elle a planché pendant l’été sur l’avenir économique de la Métropole. Après avoir dressé un état des lieux des atouts et des faiblesses du territoire, elle a cherché comment nous pourrions rebondir face à la crise, en s’inspirant de ce qui marche ailleurs, en croisant les expériences, et surtout, en décloisonnant les filières. La crise est là mais les raisons d’espérer sont nombreuses. « Le territoire va être durement touché car de nombreux secteurs sont impactés comme la culture, le tourisme et l’aéronautique », prévient le prix Nobel Jean Tirole. À cette crise globale, qui n’épargne aucune région du monde, la réponse passe avant tout par le local. « La région et la métropole possèdent les atouts pour reprendre une trajectoire vertueuse. Pour cela il y a des conditions : travailler ensemble, adopter de nouveaux process, focaliser les actions sur les forces du territoire et préserver les deniers publics. Il s’agit de planter là où le terreau est fertile », avertit Jean Tirole. La capacité de rebond du territoire va donc décider de son avenir. Diagnostic partagé par Marion Guillou pour qui « le territoire a des atouts extraordinaires et, sous réserve d’agir, il y a de l’avenir durable, innovant et inclusif ». Ces propos prometteurs et enthousiasmants trouvent un réel écho dans un contexte grippé par la crise sanitaire. Parmi les points forts (lire ci-contre), le rapport cite l’aéronautique, la croissance de la part des jeunes dans la carte démographique du territoire – plus 17 % d’ici 2040 –, les sciences des données (datasciences), les systèmes embarqués, l’électronique de puissance et les ressources spatiales qui trouvent leur application dans la cybersécurité, ou encore la lutte contre les incendies.
Le Campus Santé du futur, Oncopole, incarne l’ambition de Toulouse en matière de biotechnologies et de médecine du futur.
Construire le monde d’après est un défi mondial. Localement, 11 propositions (lire détail page 18) apportent un début de réponse.
Le rapport « Toulouse, Territoire d’Avenir » identifie trois secteurs stratégiques sur lesquels la Métropole et ses partenaires publics, comme la Région, l’État dans le cadre du plan de relance, et l’Europe, mais aussi industriels et entreprises, doivent se mobiliser. Pilier historique, le secteur aéronautique, en dépit des turbulences actuelles, a de beaux jours devant lui. « Toulouse restera la capitale de l’aéronautique. Il faut profiter des dispositifs de chômage partiel pour former aux technologies de demain (avion à hydrogène ou hybride). Nous proposons un grand plan de formation pour l’aéronautique », détaille Marion Guillou. Il s’agit d’accompagner la mutation de ce secteur en créant des formations adaptées aux métiers de demain.
Une approche transversale des filières
Le spatial, le climat, les mobilités vertes constituent un potentiel considérable pour diversifier l’activité industrielle. Le savoir-faire local dans la fabrication des satellites miniatures et l’analyse de données promet des débouchés sur le marché des applications « climat-espace ». Côté transport, il s’agit d’utiliser les compétences en électronique de puissance, intelligence artificielle pour fédérer un écosystème autour des nouvelles mobilités. Le site de Francazal, depuis peu propriété de Toulouse Métropole, orienté sur les transports du futur, pourrait servir de socle. Miser sur la médecine du futur et créer les conditions pour accueillir les industries de biotechnologies de premier plan complètent cette stratégie. Sur ces secteurs, de nombreuses actions sont déjà en place à Francazal ou sur le Campus Santé du futur de l’Oncopole. « Il faut amplifier et accélérer ce qui est déjà en place », observe Jean-Luc Moudenc. Un autre défi est de fédérer l’Université pour constituer un pôle scientifique majeur à l’échelle internationale. Objectif : répondre aux appels à projets d’enseignement et de recherche et être attractif pour les chercheurs sur la scène internationale. Dans ce domaine, le rapport invite les élus à être audacieux et à prendre la main sur ce dossier en confiant à une personnalité extérieure la concertation et la conception d’un établissement expérimental d’enseignement supérieur et de recherche. Le décloisonnement prôné par le rapport donne lieu à des idées innovantes comme densifier le tourisme à partir de cérémonies de remise de diplômes universitaires. « Il s’agit d’utiliser la présence des 130 000 étudiants pour promouvoir le tourisme : attirer les familles des étudiants pour les remises de diplômes avec des packages touristiques ».
Favoriser le financement public-privé
Pour une traduction concrète de ces propositions en actions, le rapport souligne la nécessité de croiser les investissements publics et privés. Pour les premiers, les crédits du plan de relance de l’État et les financements européens s’additionnent à ceux du plan de relance pour l’emploi et d’urgence économique mis en place, en juin dernier, par Toulouse Métropole. Pour rappel, ce plan métropolitain mobilise 143 millions d’euros, qui s’ajoutent aux initiatives de la Région. Les projets prioritaires seront financés par ce biais. Pour les autres, le rapport indique des pistes innovantes de financement.
En chiffres
- 550 000 habitants supplémentaires sont attendus dans les 30 prochaines années dans l’aire urbaine toulousaine*
- + 17 % de jeunes de 15 à 29 ans en Occitanie d’ici à 2040 (contre 4,5 % au niveau national)*
*Source : Rapport « Toulouse, Territoire d’Avenir »
Jouer collectif
Toulouse Métropole et la Région Occitanie devront travailler au choix de propositions de la Commission que les deux collectivités sont prêtes à suivre pour relever ensemble le défi de la relance. Un contrat d’objectif partagé sur le développement et la diversification de l’économie toulousaine pourrait formaliser cette coopération inédite.
11 Propositions pour rebondir
Le rapport identifie 11 propositions au service d’un territoire plus innovant, plus durable et plus inclusif.
- Accroître le rayonnement scientifique de Toulouse, créer une université dérogatoire et y nommer une personnalité extérieure de haut niveau, faire de Toulouse une ville à la pointe des questions climatiques, orienter en priorité les financements vers les projets scientifiques à très fort potentiel.
- Développer une stratégie d’aménagement de Toulouse pour le climat, notamment en repensant les mobilités à l’échelle du territoire, et en le rendant plus accessible avec le projet de la LGV Bordeaux- Toulouse, les TER… Mais aussi en mettant en oeuvre un plan de rénovation des logements.
- Déployer un plan « climat - territoire » à l’échelle de la région. S’affranchir des frontières territoriales et avoir une vision transverse des enjeux du changement climatique à l’échelle de la région. Telle est l’approche de la commission qui réunit collectivités locales, citoyens, scientifiques, acteurs économiques et les décideurs publics autour de ce défi majeur. Il s’agit de bâtir un scénario qui identifie les fragilités du territoire face au dérèglement climatique et définissent les priorités d’actions structurantes (réorientations agricoles, révision de la stratégie de gestion de l’eau, prévention et gestion du risque d’inondations et de feux de forêt, déplacement éventuel de zones habitées à risque, aménagement urbain…).
- Promouvoir une agriculture climatique écoresponsable : développer la filière des protéines végétales ; promouvoir des pratiques augmentant le stockage du carbone dans les sols ou les plantes.
- Conforter, transformer et diversifier l’activité industrielle : valoriser les applications « climat-espace » ; attirer à Toulouse les industriels capables de développer les technologies nécessaires à l’émergence des « nouvelles mobilités » (hydrogène, électronique de puissance, intelligence artificielle) ; créer une industrie des biotechnologies de premier plan avec des applications dans l’agriculture, l’alimentaire, la cosmétique et la santé et construire la médecine du futur.
- Simplifier l’accès aux aides pour les entreprises en créant un guichet unique.
- Faire de Toulouse une terre d’accueil des entreprises et des projets européens : déployer une stratégie foncière offensive à l’échelle du territoire
- Créer des campus de formation pour l’industrie sur le modèle des États-Unis.
- Stimuler l’intégration des jeunes au marché du travail : orienter les jeunes décrocheurs vers l’emploi, et inciter les employeurs à travers des solutions dématérialisées (salons, job dating…).
- Développer l’attractivité touristique internationale : valoriser la carte du bien manger et du bien-vivre ; développer l’offre touristique notamment vis à vis des familles des étudiants ; soutenir le tourisme d’affaires.
- Miser sur la nature et la culture occitanes. Il s’agit de renforcer l’offre de tourisme de loisirs avec le développement de nouveaux produits touristiques. La création d’un grand événement à rayonnement national ou européen en capitalisant sur les atouts du territoire dans la culture ou le sport est également mise en avant. La réalisation d’un grand musée dédié au rugby ou à l’histoire médiévale est évoquée comme piste de réflexion.
Le rapport complet est en consultation sur toulouse-metropole.fr