Alain Didier - La qualité de l’air en questions

Bio express
Après des études de médecine à Toulouse, Alain Didier s’est spécialisé en pneumologie. Nommé Professeur des Universités en 1991, il dirige le service de pneumologie du CHU de Toulouse depuis 2004 et le pôle des voies respiratoires depuis 2011. Il est Président de la Société française d’allergologie (SFA). Particulièrement impliqué dans la prise en charge et la recherche concernant l’asthme et les allergies respiratoires, il est membre du Conseil d’administration d’Atmo Occitanie, qui est en charge de la surveillance de la qualité de l’air.

Carte blanche

À l’approche de la mise en place de la Zone à faibles émissions - mobilité (ZFE-m) au printemps prochain, les enjeux liés à la qualité de l’air sur le territoire de la Métropole sont au coeur du débat. Alain Didier nous rappelle les impacts de la pollution de l’air sur la santé et nous livre son analyse sur le choix du scénario de la ZFE.

Quel air respirons-nous sur la Métropole ?
Les polluants de l’air sont multiples mais on peut néanmoins les classer en deux grands types : les polluants gazeux et les particulaires qui se mélangent tous deux à l’air que nous respirons. Les premiers regroupent des gaz comme le dioxyde d’azote (NO2)1, le benzène (C6H6) et autres dérivés, générés par les transports en véhicules motorisés. En été, on observe plus particulièrement des pics d’ozone (O3) produit sous l’effet de la chaleur par réaction secondaire avec le NO2. Les seconds sont formés par les particules fines et ultrafines (PM)1 qui ont un pouvoir de pénétration de l’organisme très important par l’appareil respiratoire. Ces polluants sont clairement responsables d’atteintes respiratoires et cardiovasculaires. Ces dernières années, les polluants classiques issus de l’industrie comme le dioxyde de souffre (SO2) sont en diminution. Par contre, la question des polluants directement générés par le trafic automobile ainsi que par les moyens de chauffage reste entière. Concernant le territoire, il faut souligner les grandes disparités entre les communes rurales dispersées et celles très denses au pourtour de Toulouse. Les populations qui vivent aux abords de grands axes peuvent être exposées à des concentrations critiques de certains polluants, en particulier quand la circulation stagne car le manque de fluidité du trafic aggrave la pollution de l’air. Paradoxalement, le centre-ville est moins pollué qu’il y a 20 ou 30 ans. La rue Pargaminières, avec ses bouchons, constituait alors le point noir de la circulation à Toulouse.

Localement la situation va-t-elle s’améliorer avec la mise en place d’une Zone à faibles émissions - mobilité (ZFE-m)2 ?
La création d’une ZFE-m, comme toutes les initiatives pour réduire la place de la voiture en zones urbaine et péri-urbaine, est intéressante et nécessaire pour protéger la qualité de l’air que nous respirons. Mais elle doit être assortie de mesures facilitantes (lire page 6) pour inciter les usagers à changer de mode de transport. Il est en effet primordial de soutenir les personnes concernées sur le plan économique. Les aides doivent être suffisamment concrètes pour permettre d’engager un vrai mouvement avant même que les limitations de circulation les plus strictes ne soient effectives. En effet, le plan proposé est progressif : il interdit les vignettes Crit’air 5 et non-classées seulement pour commencer et ne concernera les véhicules légers qu’en 2023. Les effets sur la qualité de l’air ne seront donc que lentement perceptibles. En parallèle, il est important de réfléchir à une combinaison de mesures pour lutter contre la pollution et en particulier aux aménagements routiers qui visent à fluidifier la circulation. Une limitation de vitesse à 70 km / h à certains endroits peut aussi avoir des effets favorables sur la fluidification du trafic et donc sur la pollution. La stratégie doit englober d’autres aspects des émissions énergétiques, comme celles liées au mode de chauffage. De plus, les mesures doivent prendre en compte les différentes réalités individuelles : il est plus facile d’adopter le vélo quand on habite en ville plutôt que dans une commune de la métropole plus éloignée ; or les usagers qui vivent loin de la ville où ils travaillent doivent pouvoir y accéder dans de bonnes conditions.

Quelles sont les conséquences de la pollution de l’air sur la santé ?
Il n’y a pas une maladie spécifiquement liée à la pollution mais un sur-risque de développer des pathologies, en particulier des maladies respiratoires, telles que la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), une pathologie très liée au tabac mais favorisée par la pollution, ou l’asthme, la maladie respiratoire la plus fréquente et qui a la particularité de débuter souvent dès l’enfance. Un débat nourri a également lieu actuellement dans le monde scientifique sur la causalité entre la qualité de l’air et certains cancers notamment pulmonaires. La pollution de l’air est également en cause dans les maladies vasculaires et cardiovasculaires : infarctus, AVC, etc. En effet, les particules les plus fines passent la barrière des alvéoles pulmonaires et atteignent la circulation sanguine, générant ainsi des dégâts sur les vaisseaux. Si la qualité de l’air s’est globalement un peu améliorée depuis quelques années car le parc de véhicules est moins polluant et que la prise de conscience des habitants quant à l’impact de leurs déplacements sur l’environnement devient perceptible, les chiffres des pathologies liées à la mauvaise qualité de l’air restent édifiants. En 2015, un rapport du Commissariat général au développement durable évaluait les coûts annuels imputables à la pollution de l’air à 886 millions €, pour l’estimation la plus basse, et jusqu’à 1,817 milliard €, pour le calcul le plus haut.

VERBATIM
« Les aides doivent être suffisamment incitatives pour permettre aux habitants d’engager un vrai mouvement en faveur de la transition écologique »

1 Sur la Métropole toulousaine, 80 % des émissions de NO2 et 34 % des particules fines (PM10) sont imputables au trafic routier en 2019. 7 650 personnes vivent en zone de dépassement du seuil de NO2 en 2019. Source Atmo Occitanie
2 La loi d’orientation des mobilités (fin 2019) donne l’obligation aux métropoles de mettre en place une Zone à faibles émissions - mobilités (ZFE-m) afin de protéger les populations de la pollution de l’air. Il s’agit d’une zone géographique dans laquelle les véhicules motorisés les plus polluants, identifiés par la vignette Crit’air, ne peuvent pas circuler.

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